Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tain temps, s’altéraient, par suite de l’oxydation, ce qui rendait très-inégal le débit de vapeur, M. Gillard les pratiqua sur de petites lames de platine encastrées sur le fer de la cornue. Par suite de l’inoxydabilité du platine, les ouvertures donnant issue à la vapeur conservent toujours les mêmes dimensions. Enfin, par une substitution très-avantageuse sous le rapport de l’économie, M. Gillard a remplacé ces lames de platine par une languette de terre réfractaire, substance inaltérable au feu. Une fente pratiquée le long de cette languette de terre, donne issue à la vapeur, et conserve toujours ses mêmes dimensions, malgré un usage prolongé.

L’hydrogène pur est le produit principal qui prend naissance par la décomposition de l’eau, dans les appareils de M. Gillard. Les rapports entre l’hydrogène et l’oxyde de carbone, sont, en effet, dans la proportion de 92 du premier sur 8 du second. La quantité d’acide carbonique produit est très-faible. Aussi l’épuration est-elle fort simple. On se contente de diriger le gaz dans un épurateur contenant de la chaux, pour le priver d’acide carbonique ; il se rend ensuite directement au gazomètre.

Pour communiquer au gaz hydrogène le pouvoir éclairant qui lui manque, M. Gillard a fait usage d’un artifice curieux, et qui constitue une application remarquable de faits empruntés à la physique. Il a substitué à l’addition des essences dans le gaz, un mince réseau de fils de platine, interposé au milieu de la flamme (fig. 80). La présence de ce corps étranger au milieu du gaz en combustion, réalise les conditions physiques qui sont nécessaires pour provoquer l’effet lumineux. Le corbillon de platine, dans le gaz hydrogène pur, produit le même effet physique que dans la flamme de l’hydrogène bicarboné, le dépôt de carbone dont sa combustion s’accompagne. La combustion du gaz extrait de l’eau présente ce fait assez curieux, que sa flamme est à peu près invisible ; on n’aperçoit que le réseau de platine porté au rouge blanc, et qui répand le plus vif éclat. Aussi la lumière n’est-elle pas sujette à vaciller ; elle reste immobile, même au milieu d’un courant d’air.

Fig. 80. — Corbillon de platine.

Le gaz extrait de l’eau est d’une pureté extrême ; il ne renferme aucun de ces produits sulfurés contenus trop souvent dans le gaz de la houille, et dont les effets sont si nuisibles aux métaux précieux. Aussi ce mode d’éclairage a-t-il été quelque temps adopté dans les magasins et les ateliers de M. Christofle, consacrés à la dorure et à l’argenture galvaniques. Le gaz était préparé dans la maison même, car tout l’appareil n’exige qu’un petit emplacement.

Trois ou quatre villes, en France, sont éclairées aujourd’hui par le gaz à l’eau. La ville de Narbonne doit être citée ici, comme ayant reçu la première ce mode particulier d’éclairage.

En résumé, les moyens imaginés par M. Gillard pour l’extraction du gaz de l’eau, constituent une découverte intéressante. Cependant il faut dire que la question du prix de revient n’est pas à son avantage. Le gaz de houille peut être livré à un prix si bas, qu’il constitue un concurrent des plus redoutables pour tout produit nouveau qui tenterait de se substituer à lui.

Ajoutons que si l’on avait à s’occuper de la canalisation, il y aurait à craindre de grandes déperditions de gaz dans les tuyaux, en raison de la prodigieuse diffusibilité du gaz hydrogène pur, qui filtre et s’échappe à travers des fentes ou des fissures incapables de donner issue à un gaz plus lourd, comme le gaz ordinaire de l’éclairage (gaz hydrogène bicarboné).