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le mangent, et le rendent tel qu’ils l’ont avalé, quant à son parfum, mais altéré dans sa couleur. C’est au résultat de ce goût qu’on attribue l’existence de quelques morceaux d’ambre blanchâtre qu’on trouve à une certaine distance de la mer, dans les Landes aquitaniques et que les habitants du pays appellent ambre renardé. »

Les masses d’asphalte qui sont déversées dans l’Océan, par les sources naturelles de pétrole, nous paraissent fournir une explication beaucoup plus simple de l’origine de l’ambre gris. Les masses bitumineuses provenant de l’évaporation du pétrole, flottent sur la mer des côtes du nord de l’Amérique. Les grands cétacés les avalent, croyant trouver une proie. Dans l’intestin de ces animaux, le bitume s’épure, se clarifie, et subit la modification qui le transforme en ambre. Aussi l’ambre gris, si recherché des amateurs, serait, selon nous, de l’asphalte digéré par le cachalot, et l’odeur suave qui fait rechercher cette substance, proviendrait des huiles essentielles du pétrole, modifiées au sein de l’animal vivant.

Bien des fois, jusqu’à la découverte des sources d’huile de l’Amérique du Nord, événement considérable auquel nous allons arriver, on tenta de faire servir à l’éclairage le pétrole fourni par les petites sources connues. Mais ce produit naturel répandait une odeur infecte ; et comme il était chargé d’essences très-volatiles, il exposait aux dangers d’explosion et d’incendie. L’histoire fournirait beaucoup d’exemples de ce genre d’accidents. Il était donc indispensable de purifier l’huile de pétrole, pour la faire servir à l’éclairage.

Le premier essai d’une distillation, bien imparfaite encore, semble dater de 1694. À cette époque, une patente fut accordée en Angleterre, pour l’épuration des huiles minérales que l’on destinait à l’éclairage. Jusque-là ces huiles n’avaient servi qu’à des usages médicinaux et au graissage des machines. Cependant cette tentative d’épuration n’aboutit pas, et le silence se fit autour de l’industrie naissante.

Il faut arriver jusqu’à l’année 1850, pour trouver un nouvel essai sérieux de rectification des huiles de pétrole.

Young, industriel et savant d’un certain mérite, découvrit un gisement de pétrole dans la Nouvelle-Écosse (presqu’île du continent du nord de l’Amérique, au sud de l’île de Terre-Neuve). Après quelques tâtonnements, il parvint à en extraire une huile éclairante suffisamment pure. Il en livra une certaine quantité au commerce, et ce produit fut rapidement enlevé. Malheureusement ce gisement s’épuisa bientôt.

Young avait remarqué, à proximité de son puits tari, un dépôt d’une certaine houille grasse, nommée boghead-coal. Il s’imagina que le pétrole avait coulé de ce charbon, lequel semblait, en effet, imprégné de cette huile. Il chercha donc à obtenir de nouvelles quantités de pétrole, en distillant la houille ordinaire.

Le succès répondit à ses prévisions. La consommation du nouveau produit prit de si grandes proportions, qu’en une seule année, Young vendit près de 300 000 hectolitres d’huile de houille, ou plutôt d’huile de schiste. C’est ainsi que fut exploitée pour la première fois, cette huile de schiste, qui, avant la découverte du pétrole américain, a tenu une assez grande place dans l’industrie de l’éclairage.

L’éveil étant donné, la concurrence ne tarda pas à se produire. À l’exemple de l’Américain Young, les Allemands se mirent à distiller les schistes bitumineux, et cette même exploitation s’établit bientôt dans le Tyrol, en Italie, puis en France. C’est alors que se répandit en Europe l’huile de schiste, dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, et qui avait contre elle, non-seulement son inflammabilité, mais encore son insupportable odeur.

L’Amérique du Nord, préludant ainsi au grand rôle que son industrie allait bientôt jouer dans l’exploitation d’une matière de même origine, le pétrole, se mit à distiller, pour en tirer un liquide éclairant, les houilles