Aller au contenu

Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la fait glisser dans le puits ; quand elle s’arrête, on fait descendre le trépan au point faisant saillie, et on taille avec le trépan cette partie du sol, pour donner passage au tubage. L’obstacle une fois supprimé, la colonne des tubes glisse de nouveau, et l’on répète cette opération jusqu’à ce que le tubage soit arrivé à la profondeur voulue.

Il arrive un moment où la proportion d’eau qui accompagne le pétrole, devient de plus en plus prédominante, et où le puits doit être abandonné, par suite de la rareté de l’huile. Dans ce cas, on fait usage, avec le plus grand succès, du torpedo, inventé par le colonel Robert. C’est une espèce de pétard, que l’on fait éclater au fond du puits, et qui ouvre de nouvelles fissures, ce qui détermine la réapparition du pétrole.

Le torpedo du colonel Robert est une espèce de cylindre de fer, divisé en compartiments, et que l’on charge avec de la poudre et de la nitroglycérine. Cet appareil est descendu au fond du puits, au moyen d’une corde ; puis on laisse tomber le long de cette même corde, un poids, qui, venant écraser une capsule disposée à la partie supérieure du torpédo, provoque l’explosion du pétard. L’emploi de cet artifice a beaucoup augmenté, surtout en Virginie, la production de l’huile. On a construit des torpedo de 30 mètres de hauteur.

Hâtons-nous de dire que tous les puits creusés, même dans les meilleures conditions, ne réussissent pas. On a calculé que 15 pour 100 seulement des forages arrivent au pétrole. À combien d’autres déceptions, l’entrepreneur n’est-il pas encore sujet ! Il y a dans ce genre de travaux, des mécomptes cruels. On perce un puits, qui fournit de l’huile et s’annonce comme devant en donner avec abondance. On se hâte donc de boucher le trou ; on rassemble les cuves pour recevoir le précieux liquide, ainsi que les barils pour l’expédier. Puis, quand tout est prêt, et qu’on se met en devoir de recueillir la richesse attendue, le capricieux liquide a disparu ; il n’en arrive pas une seule goutte.

Quelques puits ne fournissent que 8 à 12 barils d’huile par jour, et cela au prix des travaux les plus pénibles ; on est obligé de puiser le liquide, avec une pompe, à des profondeurs considérables. C’est encore là un pénible échec.

Dans ces pays éminemment libres, aucune loi n’a établi de servitude de voisinage. Il arrive donc bien des fois, que des puits sont creusés sur deux propriétés contiguës, à quelques mètres à peine l’un de l’autre.

L’exemple le plus curieux de cette concurrence s’est présenté au puits de Tarr-Farm. On avait creusé un puits, qui, pendant plusieurs semaines, fournissait un jet d’huile si abondant qu’il remplissait des milliers de barils par jour ; si bien que le propriétaire vendait à des prix fabuleux les terrains avoisinants. Quelques mois après, l’un des acheteurs rencontrait, au même niveau, et à moins de 50 mètres de distance du premier puits, une autre source jaillissante, qui lança en l’air, à une grande hauteur, les outils des ouvriers, et, pendant plusieurs semaines, inonda le sol d’eau salée.

Cette nouvelle issue, ouverte au liquide, amena une diminution très-notable dans le rendement du premier puits. Quand la nouvelle source s’arrêtait, la première reprenait comme auparavant ; et à l’inverse, si l’on arrêtait la première, la seconde donnait de l’huile en abondance. C’est ce qui arrive d’ailleurs pour les puits artésiens, dans nos pays. Lorsqu’un nouveau forage fournissant de l’eau, est creusé à peu de distance d’une source artésienne, ce second puits diminue aussitôt, dans des proportions notables, le rendement du premier. Le puits artésien de Passy, par exemple, a exercé cette influence d’une manière très-sensible, sur le débit du puits de Grenelle.

Les propriétaires des deux sources de