Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/258

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minée, étant plus chaud que celui qui y est, y monte jusqu’au haut du plancher, et, comme il ne saurait y prendre place qu’il n’en chasse et n’en fasse sortir en même temps autant de la chambre, et qu’il n’en peut sortir que par la cheminée qui est la seule issue qu’il trouve et qui est en bas, il sort toujours de l’air d’en bas à mesure qu’il en entre et qu’il en monte par en haut ; or, l’air d’en bas est aussi le plus froid, puisque le plus chaud monte au-dessus de celui qui l’est moins ;… c’est donc toujours l’air le plus froid qui sort de la chambre en même temps qu’il en entre de plus chaud. »

« Gauger cherche ensuite à fixer la vitesse de ce mouvement, chose qui n’a été faite que dans ces derniers temps par M. le général Morin ; et il est très-curieux de comparer les appareils de ces deux observateurs. Au lieu des anémomètres si exacts de M. Morin, Gauger employait seulement une feuille de papier, et cependant il parvint à constater qu’avec une ouverture de dimensions suffisantes on pouvait arriver à supprimer les vents coulis.

« Il indique enfin comment ses cheminées pouvaient être employées pour renouveler l’air dans une foule de circonstances, et en particulier dans les chambres de malades. Il avait donc très-bien compris le mécanisme et l’utilité de ce que depuis on a appelé la ventilation, et en lisant la Mécanique du feu on sent que l’auteur manque d’un mot pour exprimer sa pensée. Mais ce mot ventilation, que toujours nous avons au bout des lèvres, prêts à le souffler à Gauger, ne pouvait à cette époque être employé par lui. Il n’existait pas, du moins avec sa signification actuelle, dans la langue française. C’est d’Angleterre que nous est venu le terme ventilation, et, chose curieuse, c’est précisément Désaguliers, le traducteur de Gauger, qui l’a employé pour la première fois.

« Aussi est-ce à Gauger lui-même qu’il faut rapporter l’invention de ce mot et celle de l’application du chauffage à la ventilation, quoique cependant Rodolphe Agricola, dans son ouvrage De re metallicà ait indiqué, dès le xve siècle, de suspendre un large foyer dans les puits des mines pour les débarrasser de l’air vicié. Méthode qui depuis a toujours été pratiquée (Tomlinson).

« Gauger indique, en outre, un appareil très-simple pour éteindre les feux de cheminée ; il consiste en deux plaques de fer verticales : l’une à la partie supérieure, l’autre à la partie inférieure du tuyau, et qui, à un moment donné, peuvent être abaissées de manière à intercepter l’arrivée de l’air. Il fait en outre remarquer qu’à l’aide de ces bascules, on pourrait empêcher la fumée des cheminées voisines de rentrer dans nos appartements et aussi conserver pendant la nuit une certaine chaleur. « Mais il faudrait, » dit-il, « pour cela, éteindre tous les tisons et ne conserver que du charbon qui ne fasse point de fumée. » Je dois ajouter que cette recommandation n’est suffisante qu’à la condition de remplacer le mot fumée par produits de la combustion ; mais n’en est-il pas moins parfaitement visible que Gauger avait compris tous les inconvénients de ne pas laisser dégager au dehors les produits de la combustion, qui, pour lui comme pour tous les hommes de son époque, étaient représentés par la fumée.

« Après avoir enseigné la construction de cheminées qui, comme il le dit lui-même, « avaient toutes les commodités des poêles, sans en avoir les incommodités, Gauger transforma encore les poêles eux-mêmes de manière à les rendre plus salubres. On peut voir dans la collection des machines de l’Académie pour 1720 les dispositions qu’il indiquait : outre le tuyau de dégagement de la fumée, un second tuyau, partant de l’extérieur, contournait le poêle de telle sorte que l’air du dehors pénétrait dans ce second tuyau, s’y échauffait, puis était versé dans l’appartement. Il a enfin mentionné quelques inventions moins importantes, sur lesquelles je n’insisterai pas.

« On pourrait espérer, d’après ce que j’ai dit de Gauger, que le nom de ce physicien fût resté célèbre parmi nous comme un de ceux des bienfaiteurs de l’humanité ; tout au contraire, il fut promptement oublié. Quoique sa Mécanique du feu ait été traduite en anglais et en allemand, quoique ses inventions aient été très-appréciées à l’époque où elles parurent, entre autres par Varignon, les rédacteurs du Journal de Trévoux et Frankin lui-même, elles ne tardèrent pas à lui être contestées. On prétendit qu’en Allemagne des cheminées analogues étaient déjà connues depuis longtemps ; l’inventeur en serait le Hollandais Jean de Heiden, et elles auraient été décrites par Sturm, dans un livre imprimé à Leipsick en 1699. Je n’ai pu retrouver cet ouvrage, il n’est même pas mentionné dans la Bibliographie cependant si complète, de Roth ; aussi faut-il croire que très-probablement ces assertions sont erronées.

« On a encore dit que les cheminées à double courant d’air avaient été indiquées par Savot, et en cela on faisait allusion à la cheminée du Cabinet des livres. Mais ce que j’ai rapporté de Savot et de Perrault montre qu’aucun de ces architectes ne peut être considéré comme l’inventeur des cheminées à prise d’air extérieur.

« On ne se contenta pas, du reste, d’accuser Gauger de n’avoir indiqué que des choses connues depuis longtemps ; on lui prit une à une toutes ses inventions. M. de Lagny présenta, dès 1741, à l’Académie des sciences, un appareil en tout semblable à celui que j’ai indiqué contre les incendies. Le nom de Gauger ne fut même pas attaché à ses cheminées. Un de ses frères, religieux de l’ordre des Chartreux, fit qu’elles furent appelées Cheminées à la chartreuse.

« En outre, beaucoup de ses imitateurs n’ayant que très-mal compris les principes qu’il avait cependant si clairement exposés et voulant introduire des améliorations, obtinrent un résultat tout contraire, et