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CHAPITRE VII

poêles. — leur histoire et leur origine. — le poêle allemand. — avantages et inconvénients des poêles. — défaut de ventilation et desséchement de l’air. — danger des poêles de fonte pour la santé. — expérience de m. le docteur carret de chambéry. — rapport de m. le général morin à l’académie des sciences.

Si la cheminée est le système de chauffage que rien ne pourra remplacer chez les riches, le poêle est, au contraire, à cause de l’économie de son installation et de son énorme rendement calorifique, le partage de la classe peu aisée.

Un poêle[1] est une enveloppe réfractaire quelconque, contenant un combustible, et destinée à transmettre à l’appartement la chaleur produite, tant par le rayonnement des parois, que par le contact de ces mêmes parois avec l’air ambiant.

Le poêle est une invention allemande. La date de sa découverte est assez récente, car c’est en 1619, ainsi que nous l’avons déjà dit, que l’on trouve cet appareil, déjà admirablement perfectionné, décrit dans l’ouvrage de Keslar.

Si l’on se demande comment les peuples du Nord arrivèrent à la construction du poêle, appareil qui fut totalement ignoré des anciens, on peut faire la conjecture suivante. Dans les premiers temps du Moyen âge, à l’époque où les Saxons eurent l’idée de pousser contre l’un des murs le foyer qui occupait jadis le milieu de leurs cabanes, et de constituer ainsi la première cheminée, les Germains, qui habitaient un pays froid, et brûlaient beaucoup de bois, emprunté à leurs vastes forêts, durent bientôt avoir l’idée de recouvrir le foyer d’une espèce de calotte, surmontée d’un tuyau, pour conduire au dehors la fumée.

Tel fut le premier poêle dont Alberti, en 1533, a donné la description. Plus tard on enveloppa ce foyer de briques, et l’on augmenta considérablement la longueur du tuyau. Ces perfectionnements durent se faire très-vite, car on trouve dans l’ouvrage de Keslar, écrit au xvie siècle, la description du poêle allemand absolument tel qu’il existe de nos jours.

La figure 180 (page 281) est la copie exacte de la planche 12 du livre de Keslar, qui représente le poêle allemand, ou Espargne-bois. Le poêle est représenté au milieu de la pièce à chauffer et assez éloigné du mur, dont une coupe, AB, est figurée sur la gravure. D est la prise d’air extérieur ; E est l’extrémité du tuyau qui sert au dégagement des produits de la combustion. Chacune de ces ouvertures est munie d’un opercule que l’on peut manœuvrer de l’extérieur, à l’aide de petites tringles : a est l’opercule qui diminue ou augmente à volonté l’entrée de l’air, b celui qui opère de la même façon sur sa sortie. Tout l’appareil est en briques ou en poterie ; C, est le cendrier, P la partie où s’opère la combustion ; en S sont deux bassins destinés à recevoir les corps que l’on veut tenir chauds, ou bien de l’eau pour rendre à l’atmosphère la vapeur d’eau nécessaire. Les produits de la combustion suivent le trajet indiqué par les flèches.

L’appareil peut se nettoyer à l’aide d’un racloir, que l’on fait entrer par les petites portes c, d, e, représentées sur la paroi latérale du poêle.

Les poêles, qui étaient communs en Allemagne au xviie siècle, et qui, dans ce pays, avaient déjà atteint une véritable perfection, étaient, au contraire, ignorés en France, à la même époque. C’est ce que prouve le passage suivant du livre de l’architecte Savot, qui mentionne en même temps, une détestable habitude, malheureusement conservée jusqu’à nos jours.

« Ils font en Suède, dit Savot, de petites cheminées rondes dans le coin de la chambre où ils brûlent du bois : et ils bouchent le haut du tuyau dans la hotte, lorsque le bois est tout consumé, en sorte qu’il ne fasse plus de fumée ni même de vapeur, et cela conserve une chaleur fort longtemps. »

  1. Ce mot a été écrit dans la langue française, avec différentes orthographes. On écrivit d’abord pousel, puis successivement, pouele, pouesle, poesle, poêle. La forme actuelle du mot ne sera peut-être pas la dernière, car déjà le Dictionnaire de l’Académie permet d’écrire poile.