Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

population scolaire. Tout à coup l’épidémie s’y manifesta et un grand nombre d’élèves entrèrent à l’infirmerie. C’est qu’en 1860 le collège, étant devenu lycée impérial, avait remplacé son antique mode de chauffage au moyen des cheminées, par des poêles en fonte. Là était la cause du mal. Les poêles de fonte ayant été supprimés, sur l’indication du docteur Carret, et remplacés par des poêles de faïence, tout rentra dans l’ordre.

M. Carret cite l’observation, très-curieuse, d’un homme qui exerçait la profession de tailleur, et qui passait par des alternatives de maladie et de santé, selon qu’il se tenait dans une pièce chauffée par un poêle de fonte, ou dans une pièce chauffée par une cheminée. Cet individu, restant indocile à tout avertissement et persistant à conserver son poêle de fonte, finit par mourir d’une congestion cérébrale.

M. Carret voulut contrôler, par une observation faite sur lui-même, la relation qu’il avait saisie entre la maladie épidémique qui sévissait dans la Haute-Savoie et le genre de chauffage si généralement usité dans ce pays. Il s’enferma dans une chambre fortement chauffée par un poêle de fonte, et ne tarda pas à éprouver les mêmes phénomènes qu’il constatait chez ses malades, à savoir : chaleur à la tête, battements des artères temporales, nausées, manque d’appétit, céphalalgie, etc., le tout après une demi-heure seulement de séjour dans la pièce ainsi chauffée. Le lendemain, il s’enferma pendant deux heures dans la même chambre, chauffée par un poêle non en fonte, mais en tôle de fer, et il n’éprouva aucune sensation pénible.

Après avoir fait cette expérience sur lui-même, le docteur Carret chercha et trouva une vingtaine de personnes assez dévouées à la science pour la répéter avec lui. Ces vingt personnes demeurèrent un certain temps dans une chambre chauffée par un poêle de tôle, sans ressentir le moindre malaise. Mais ce fut autre chose quand on remplaça le poêle de fer par le poêle de fonte. Les quatorze personnes qui s’étaient dévouées à cette expérience désagréable, furent toutes malades au bout de quelques minutes, et s’empressèrent d’aller chercher un air pur en dehors. Le plus courageux des expérimentateurs étant demeuré seul, ne put supporter le séjour de la chambre de torture plus de dix minutes. Au bout de ce temps, notre héros fut forcé de quitter en toute hâte le théâtre de l’expérience.

M. Carret termina cette série d’épreuves concluantes par des expériences sur les animaux. Dans une pièce chauffée par un poêle de fonte, il enferma un lapin, un pigeon et un serin. Au bout d’une demi-heure, le lapin et le pigeon tombèrent sur le flanc ; ils ne se ranimèrent qu’à grand’peine lorsqu’on les porta à l’air libre. Quant au serin, il était mort de congestion cérébrale. Un malheureux rat, qui se trouvait égaré dans la chambre, périt, après plusieurs heures d’agitation.

Il résulte de l’ensemble des faits recueillis par le médecin de Chambéry, que c’est bien à l’usage des poêles de fonte qu’il faut attribuer la maladie épidémique observée en Savoie. De là résulte aussi, nous n’avons pas besoin de le dire, la démonstration des dangers qui s’attachent, en général, à l’usage de ce genre de poêles.

Pour admettre le passage de l’oxyde de carbone à travers la fonte, M. Carret s’appuie surtout sur des expériences faites, en 1863, par MM. Sainte-Claire-Deville et Troost. Ces physiciens ont constaté que certains métaux portés à une température élevée, deviennent perméables à quelques gaz. D’après MM. Sainte-Claire-Deville et Troost, les tubes de fonte chauffés se laissent traverser par l’air atmosphérique, si bien qu’il est impossible de les conserver tenant le vide. Un physicien anglais, M. Graham, est allé plus loin. Il a reconnu que la fonte absorbe, par une attraction particulière, et condense, des quantités considérables d’oxyde de car-