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bone, et que le fer rouge peut absorber plusieurs fois son volume de gaz hydrogène.

Les expériences de MM. Sainte-Claire-Deville et Troost, pas plus que celles de M. Graham, n’avaient été entreprises à l’occasion des faits signalés par le médecin de Chambéry ; elles se rattachaient à des recherches de science pure. M. Sainte-Claire-Deville voulut faire une expérience directe, applicable au cas controversé. Il s’occupa donc, de concert avec M. Troost, de vérifier le phénomène de la filtration de l’oxyde de carbone à travers les parois de la fonte.

MM. Sainte-Claire-Deville et Troost se servirent d’un poêle de corps de garde, et cherchèrent si cet appareil, chauffé à une haute température, était traversé par le gaz oxyde de carbone et l’acide carbonique résultant de sa combustion.

Un petit instrument imaginé en Angleterre, en 1866, pour reconnaître la présence du gaz oxyde de carbone dans l’air des galeries de mines de houille, leur fut d’un grand secours. Cet instrument consiste en une sorte de boîte à parois de brique, parois qui ont la propriété de se laisser traverser par l’oxyde de carbone[1]. Par une sorte d’affinité physique élective, le gaz oxyde de carbone se réunit à l’intérieur de cette capacité, et s’y accumule au point d’y acquérir une pression plus forte que celle de l’atmosphère. L’augmentation de pression survenue à l’intérieur de cette capacité, est traduite et accusée au dehors par un petit ressort. Ce ressort fait agir une sonnerie, qui décèle, par son tintement, l’existence du gaz oxyde de carbone dans l’air des galeries.

En se servant de cet appareil révélateur MM. Sainte-Claire-Deville et Troost constatèrent qu’un poêle de fonte chauffé au rouge laisse exhaler dans la pièce du gaz oxyde de carbone. Ils déterminèrent même les proportions d’oxyde de carbone qui traversent une surface donnée de poêle de fonte.

« Le poêle que nous avons employé, disent MM, Sainte-Claire-Deville et Troost, d’une forme analogue à celle des poêles de corps de garde, se compose d’un cylindre qui communique avec l’extérieur par deux ouvertures : l’une, latérale, permet l’arrivée de l’air sous la grille ; l’autre, située à la partie supérieure, aboutit au tuyau de tirage. C’est par cette dernière ouverture que l’on introduisait le combustible, coke, houille ou bois, qui est reçu sur une grille placée au-dessus de l’ouverture latérale.

« Le poêle a été successivement porté aux différentes températures entre le rouge sombre et le rouge vif. Il est entouré d’une enveloppe en fonte qui, reposant dans des rainures ménagées en haut et en bas du poêle, forme autour de lui une chambre qui ne communique avec l’air extérieur que par les interstices restés dans les ramures entre l’enveloppe et le cylindre extérieur.

« Pour étudier la nature des gaz qui pouvaient passer du poêle proprement dit dans la chambre, nous avons employé les dispositions suivantes : Les gaz puisés dans cette chambre-enveloppe sont appelés par un compteur placé à la suite des appareils d’absorption ; ils se dépouillent d’abord de l’acide carbonique et de la vapeur d’eau qu’ils contiennent en traversant des tubes en U remplis de ponce imbibée d’acide sulfurique concentré ou de potasse caustique. Quand ils ont été ainsi purifiés, ils arrivent sur de l’oxyde de cuivre chauffé au rouge. L’hydrogène et l’oxyde de carbone s’y changent en vapeur d’eau et en acide carbonique. Pour doser ces substances, on les fait passer dans des tubes tarés, contenant : les premiers, de la ponce imbibée d’acide sulfurique concentré ; les seconds, de la potasse liquide et en fragments ou de la baryte. Les gaz se rendent ensuite au compteur, qui les aspire pour les rejeter dans l’atmosphère. »

On fit des expériences d’une durée variable (de 6 à 27 heures). Nous citerons seulement le résultat de la première expérience, qui dura six heures.

Sur 90 litres d’air inspiré, on recueillit 1lit,072 d’hydrogène, et 0lit,710 d’oxyde de carbone avec une certaine quantité d’acide carbonique.

« L’oxyde de carbone absorbé dans notre poêle par la surface intérieure de la paroi de fonte, disent MM. Sainte-Claire-Deville et Troost, se diffuse à l’extérieur dans l’atmosphère, et l’effet se produit d’une manière continue : de là ce malaise que l’en ressent

  1. Voir la description de cet instrument dans notre Année scientifique et industrielle, 12e année, page 432.