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service à l’abri d’une interruption accidentelle. De plus, on a ainsi le moyen de doubler à volonté l’intensité de l’éclairage.

En faisant fonctionner une seule des deux machines, on obtint une lumière équivalant à 3 500 becs Carcel. C’était cinq fois et demie l’intensité de la lumière du phare du nord, qui continuait d’être éclairé à l’huile de colza. L’intensité de cette dernière lumière n’est, en effet, que 630 becs de lampe Carcel.

Les principales questions qu’il s’agissait de résoudre par de fréquentes comparaisons des deux phares, portaient sur la régularité de l’éclairage, sur l’influence des temps de brume, et sur les frais d’entretien. À cet effet, les deux feux ont été observés trois fois par nuit, et à la même heure, par les gardiens des phares de Honfleur, de Fatouville et de la pointe de Ver, distants respectivement de 15, de 21 et de 46 kilomètres. D’après les résultats de ces observations comparatives, c’est-à-dire les proportions de visibilité sur 100 observations, pour le feu électrique et le feu à l’huile, on est arrivé aux conclusions suivantes.

À des distances de 15 à 20 kilomètres (8 à 10 milles marins), la visibilité des deux feux est à peu près la même ; la supériorité du feu électrique n’est que de 2 à 4 pour 100. Sur 100 observations faites à Fatouville, le feu à huile a été éteint 23 fois par la brume, le feu électrique 21 fois, et encore les deux machines étaient-elles alors en mouvement, de sorte que l’éclat du phare électrique était de 7 000 becs, tandis que celui de l’autre phare ne s’élevait qu’à 630 becs. À la pointe de Ver, le feu à l’huile a été invisible 67 fois sur 100, tandis que le feu électrique n’a disparu dans la brume que 59 fois. À cette distance, l’avantage est donc plus prononcé.

En résumé, la différence de portée entre les deux feux alimentés par l’huile et par l’électricité, est d’autant plus grande que la distance à laquelle on peut les apercevoir est plus considérable, c’est-à-dire que l’atmosphère est transparente ; c’est surtout au loin que le feu électrique s’est montré plus souvent que l’autre. Quelques navigateurs ont déclaré, en outre, qu’ils ont encore reconnu la position du cap de la Hève à une lueur qui enveloppait le phare électrique, alors que la brume était assez épaisse pour masquer complétement les deux feux.

Auprès des marins, le succès de l’éclairage électrique a été complet. Ils ont déclaré avoir toujours aperçu le phare du sud avant celui du nord. C’est que le feu électrique a toujours une portée supérieure à celle du feu à l’huile.

Quant à la question de la régularité de l’éclairage, il est survenu, pendant une période de quinze mois, dix accidents. Cinq provenaient de la machine à vapeur, et ont amené des extinctions, dont la durée a varié de trois à quinze minutes ; ils étaient dus à un défaut de surveillance de la part d’un des mécaniciens, et ne se sont plus renouvelés qu’une seule fois en huit mois après le remplacement de cet agent. Les appareils magnéto-électriques ont donné lieu, à leur tour, à deux accidents : le premier a causé une extinction de dix minutes, l’autre seulement une légère oscillation de la flamme. Des mesures ont été prises pour en prévenir le retour. Les trois autres accidents ont porté sur les régulateurs et n’ont pas produit d’extinction. Ainsi, malgré la complication des mécanismes, les accidents ont été relativement rares, ce qui est un argument en faveur de la valeur pratique du nouveau mode d’éclairage.

Arrivant à la question des frais d’entretien, M. Reynaud la résout à l’avantage de la lumière électrique.

« Les dépenses annuelles du phare électrique, dit M. Léonce Reynaud, dans un second rapport au Ministre, se sont élevées un peu plus haut que celles du phare alimenté à l’huile ; mais l’intensité du