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étant ainsi plus forte au-dessus qu’au-dessous du piston, l’huile qui le surmonte, pressée par le poids de l’air, avec lequel elle communique librement, fait fléchir la bande de cuir cc, et descend dans le compartiment inférieur, en passant autour du piston.

Voilà comment, en remontant avec la clef, le ressort à boudin, on fait passer au-dessous du piston, l’huile qui, introduite dans la lampe, s’était placée au-dessus de ce même piston. La même chose arrive lorsque le réservoir n’est vide qu’en partie, et lorsque la lampe brûle, aussi bien que quand elle ne brûle pas. Alors, en remontant le ressort, on fait toujours passer l’huile dans le compartiment inférieur. Quand on entend un gargouillement à l’intérieur de la lampe, c’est que l’huile est presque entièrement consumée, et que c’est de l’air, au lieu d’huile, qui passe au-dessous du piston.

Les lampes à modérateur sont aujourd’hui d’un usage universel. La régularité de leur marche, la facilité avec laquelle les lampistes ordinaires peuvent les construire, enfin leur bas prix, qui résulte de la simplicité de leur mécanisme, les ont fait accepter non-seulement en France, mais dans tous les autres pays de l’Europe. Elles remplacent presque universellement, aujourd’hui, les lampes Carcel, et les lampes d’une construction plus simple, c’est-à-dire celles où le réservoir est supérieur au bec, telles, par exemple, que les lampes dites de bureau. Une lampe à modérateur n’est pas plus chère que la lampe la plus ordinaire appartenant à ce dernier système ; on n’a donc pu hésiter à lui accorder la préférence. La fabrication des lampes à modérateur se fait aujourd’hui sur une échelle immense ; elle constitue une des branches les plus florissantes du commerce de Paris.

Quel est l’inventeur de la lampe à modérateur ? La réponse à cette question n’est pas facile. Quand il s’agit de découvertes remontant à une époque antérieure à la nôtre, on peut toujours rendre équitablement à chacun ce qui lui appartient. Autrefois, en effet, un inventeur restait longtemps attaché isolément à son œuvre. Il la poursuivait en silence, et ne la laissait sortir de ses mains que lorsqu’elle avait reçu le sceau de la perfection. L’absence à cette époque de communications régulières entre les savants, explique ce travail isolé et continu, éminemment propre à l’exécution des découvertes importantes. Ainsi avaient agi Argand et Carcel, les deux grands initiateurs dans l’art de l’éclairage, et il n’est pas possible de s’égarer quand on parle de leurs inventions : elles leur appartiennent en propre, nul ne peut les leur contester. Mais les choses sont bien changées de nos jours. Il existe maintenant en tout pays, une foule de journaux de sciences et d’industrie, ainsi qu’un grand nombre de sociétés savantes, qui répandent avec une prodigieuse rapidité, les découvertes nouvellement écloses. Aussi, à peine un inventeur a-t-il produit son œuvre, qu’aussitôt une nuée d’hommes, d’ailleurs fort distingués par leurs talents et leurs lumières, s’emparent de cette idée, la perfectionnent, la modifient, la tournent et la retournent de cent façons. Comme plusieurs intelligences viennent s’exercer, avec leurs aptitudes diverses, sur l’œuvre de l’inventeur primitif, il arrive nécessairement que cet inventeur est bientôt dépassé, et que la découverte créée par lui, prend en dehors de lui ses développements et sa perfection. C’est ce que l’on a vu pour la photographie, pour la machine à vapeur, pour la galvanoplastie et pour une foule d’inventions de notre temps. C’est ce qui est arrivé en particulier pour la lampe à modérateur. La concurrence des inventeurs était d’autant plus naturelle, en ce qui regarde la lampe à modérateur, qu’il y a dans cet appareil trois organes essentiels, qui comptent chacun plus d’un inventeur : le ressort à boudin, le piston, qui pouvait être fabriqué de bien des manières, et l’idée fondamentale de la petite tige en-