Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/665

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n’avait vu dans l’annonce de la découverte de Castéra qu’une utopie sans fondement. Il revint alors de son impression première, et, allant même plus loin qu’il ne le fallait, il prétendit que Fulton n’avait fait qu’imiter le plan de Castéra, grâce à quelque indiscrétion des bureaux du ministère de la guerre. Mais la comparaison des deux systèmes, à laquelle fit procéder le gouvernement, prouva qu’il n’y avait entre eux aucune similitude, et que les deux inventeurs avaient eu en même temps la même idée, sans s’être rien emprunté l’un à l’autre. Castéra faisait usage d’avirons, tandis que Fulton avait adapté une hélice à l’arrière de son Nautilus. L’appareil de Fulton l’emportait encore sur celui de son prédécesseur en ce qu’on pouvait, à volonté, le convertir en bateau ordinaire à mât et à voile. De plus, Fulton pouvait apprécier la distance qui séparait de la surface de l’eau l’embarcation submergée.

Mais, nous le répétons, on ne saurait rien indiquer de précis, ni fournir aucun dessin géométrique du Nautilus de Fulton. L’auteur ne paraît avoir laissé aucun plan de son bateau. Un ingénieur allemand, M. Eyber, mort en 1866, ayant construit lui-même un bateau sous-marin, qu’il supposait semblable à celui de Fulton, a fouillé les archives d’État de l’Amérique, de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne, sans retrouver aucune trace des plans de Fulton, sinon le manuscrit de son mémoire, déjà connu, intitulé : Essai de navigation sous-marine.

Fulton ne trouva dans son pays aucune occasion de reprendre et de perfectionner son bateau sous-marin ni ses torpilles ou machines infernales sous-marines ; il mourut en 1815, au milieu d’une période de paix pour les États-Unis.

En France, la guerre se prolongeant, entretenait les idées concernant l’emploi des bateaux sous-marins comme moyen d’attaque des navires ou des ouvrages de défense maritime. Il faut citer comme auteurs de projets de ce genre les noms de Brizé-Fradin, de d’Aubusson de la Feuillade, et des frères Coëssin.

Ces derniers, plus heureux que Fulton, réussirent à attirer sérieusement sur leur projet l’attention de Napoléon Ier. En 1809, un ordre vint d’essayer au Havre l’invention des frères Coëssin.

Ce bateau sous-marin, qui différait peu de celui de l’Américain Bushnell, était long de 8 mètres et demi et pouvait contenir 9 ou 10 hommes. Deux tuyaux de cuir, soutenus à la surface de l’eau par un flotteur de liége, envoyaient dans le bateau l’air du dehors. Des avirons le dirigeaient. Dans l’expérience qui fut faite au Havre, on constata une vitesse d’une demi-lieue à l’heure. Cette vitesse parut insuffisante.

D’ailleurs l’embarcation marchait difficilement, en raison de l’imperfection des rames comme moyen de se diriger sous l’eau. Le flotteur qui retenait à la surface de la mer, les tuyaux de cuir, permettait de reconnaître le lieu où se trouvait le bateau sous-marin, et de le saisir. Enfin la respiration des hommes se faisait très-mal par l’intermédiaire de ces tuyaux de cuir.

Ces imperfections étaient tellement évidentes, et le bateau sous-marin des frères Coëssin tellement dangereux, que les inventeurs faillirent périr dans leur Nautile pendant une expérience.

Malgré ses défauts, le Nautile des frères Coëssin méritait d’être encouragé. Aussi une commission de l’Institut qui avait été nommée pour apprécier cette invention, formula-t-elle un jugement favorable à son égard. Carnot, rapporteur de cette commission, composée de Monge, Biot et Sané, disait, après avoir énuméré les défauts de l’appareil :

« Cependant, il faut distinguer de pareilles inventions, dans lesquelles l’expérience a prouvé que les plus grandes difficultés ont été prévues, de celles qui ne sont souvent que des projets informes, et