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usuel. Depuis que j’en ai manié des quantités considérables, j’ai pu vérifier l’exactitude de toutes les assertions rapportées dans le premier Mémoire que j’ai publié sur ce sujet. Bien plus, son inaltérabilité et son innocuité parfaites ont pu être expérimentées, et l’aluminium a subi ces épreuves mieux encore que je ne pouvais le prévoir. Ainsi, on peut fondre ce métal dans le nitre, chauffer les deux matières au contact jusqu’au rouge vif, température à laquelle le sel est en pleine décomposition, et, au milieu de ce dégagement d’oxygène, l’aluminium ne s’altère pas ; il peut être également fondu dans le soufre, dans le sulfure de potassium, sans s’attaquer sensiblement[1]. Résistant parfaitement bien à l’action de l’acide nitrique, de l’acide sulfhydrique, et en cela supérieur même à l’argent, il se rapproche de l’étain, quand on le met au contact de l’acide chlorhydrique et des chlorures. Mais son innocuité absolue en permettra l’emploi dans une foule de cas où l’étain présente des inconvénients, à cause de la facilité avec laquelle ce métal est dissous par les acides organiques. Du reste, on a peu étudié le degré de résistance qu’opposait à nos agents les plus communs les métaux que nous employons le plus fréquemment. Ainsi, lorsque l’on fait bouillir pendant quelques instants une solution de sel marin dans un creuset d’argent, on dissout de ce métal des quantités assez fortes pour que l’eau salée devienne alcaline et bleuisse fortement la teinture rouge de tournesol. Si l’on prend de l’étain laminé, du paillon d’étain, qu’on le fasse chauffer pendant quelques minutes dans une dissolution de sel marin acidulée avec de l’acide acétique, on pourra constater, en décantant la liqueur claire et en la traitant par l’hydrogène sulfuré, qu’il s’est dissous des quantités considérables d’étain. Tel sera l’effet constant d’un mélange de sel et de vinaigre sur les vases de cuisine. Mais l’étain n’ayant pas, il paraît, d’action notable sur l’économie et la saveur de ses sels étant très-peu prononcée, quoique désagréable, la présence de l’étain dans nos aliments passe inaperçue.

« Toutes les propriétés chimiques que j’ai attribuées à l’aluminium se trouvent en outre confirmées par les expériences que M. Wheatstone, à Londres, et M. Hulot, à Paris, ont tentées pour déterminer le rang électrique de ce métal.

« J’ai pu étudier, sur des échantillons volumineux, les propriétés physiques de l’aluminium, et j’ai constaté qu’on pouvait le laminer comme l’argent ou l’étain, et le tirer aussi fin que l’argent et le cuivre. Enfin, une propriété curieuse, qu’il manifeste avec d’autant plus d’intensité qu’il est plus pur, c’est une sonorité excessive, qui fait qu’un lingot d’aluminium suspendu à un fil et frappé d’un coup sec, produit le son d’une cloche de cristal. M. Lissajous, qui a constaté avec moi cette sonorité, en a profité pour construire en aluminium des diapasons qui vibrent très-bien. Beaucoup d’usages spéciaux lui sont, en outre, réservés à coup sûr, à cause de son excessive légèreté ; et depuis que l’aluminium est dans le commerce, plusieurs essais d’application ont été déjà tentés avec succès.

Fig. 439. — H. Sainte-Claire Deville.

« Pourtant ces qualités ne sont pas suffisantes pour faire préférer, dans la plupart des cas, l’aluminium aux métaux précieux à égalité de prix. La condition pour que ce métal devienne d’un emploi général est donc sa production à un prix notablement inférieur à celui de l’argent. Il est vrai qu’à cause de la différence de leurs densités, l’aluminium et l’argent ayant la même valeur, le premier serait, en réalité, quatre fois moins cher que le second à volume égal ; et à volume égal l’aluminium possède une rigidité plus grande que l’argent.

« Le problème de la fabrication économique de l’aluminium me paraît de nature à être résolu, d’un jour à l’autre, par l’industrie, d’une manière satisfaisante, parce que les matériaux avec lesquels on peut le produire, même avec les procédés actuels, sont tous à bas prix. Ainsi, théoriquement, pour obtenir 2 équivalents ou 28 kilogrammes d’aluminium, il faut :

3 éq. de chlore, 108 kilog., à 60 fr. les 100 kilog. 64 80
1 éq. d’alumine, 52 kilog., à 30 fr. les 100 kilog. 15 80
3 éq. de carb. de soude, 153 kil., à 36 fr. les 100 kil. 63 60
2 éq. d’aluminium, 28 kilogr. 
144 20
  1. L’or ne résiste pas à ces deux agents d’oxydation et de sulfuration.