Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/276

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Pour éviter les chances de collision, il fallait pouvoir arrêter rapidement les trains, en un moment d’imminent danger. C’est dans ce but que l’on a créé de nouveaux freins, dont l’action, à la fois plus rapide et plus énergique, est en rapport avec la puissance des convois qu’ils ont à maîtriser.

Une raison d’un autre ordre rendait nécessaire l’emploi de nouveaux freins. Pour augmenter la vitesse commerciale des trains, on a espacé davantage les points d’arrêt, et créé des machines assez puissantes pour réaliser une grande vitesse effective sur de longs parcours, et la conserver autant que possible sur les rampes et dans les courbes. Mais pour atteindre plus complètement encore le but proposé, il était indispensable de diminuer et réduire au minimum les périodes de ralentissement dans le voisinage des gares. Il fallait, en un mot, pouvoir s’approcher à une petite distance des stations, avec la vitesse effective normale, et employer des freins assez énergiques, pour produire l’arrêt dans le moins de temps possible en arrivant à la station.

Le problème est aujourd’hui à peu près complètement résolu ; mais ce n’est pas du premier coup que ce résultat a été réalisé. Il a fallu, pour l’atteindre, faire des tentatives aussi nombreuses que variées.


La marche à contre-vapeur est le premier moyen qui ait donné de bons résultats. Ce moyen a, toutefois, perdu la plus grande partie de sa valeur après la découverte des freins automatiques et continus, qui permettent d’arrêter, à moins de 400 mètres, des trains animés d’une vitesse de 80 kilomètres à l’heure. Nous allons étudier successivement l’un et l’autre de ces systèmes, c’est-à-dire la marche à contre-vapeur et les freins continus.


Depuis l’origine des chemins de fer, les mécaniciens, dans les cas de danger imminent, ont eu recours pour obtenir un arrêt très prompt, à ce qu’on appelle le renversement de la vapeur, manœuvre difficile et souvent dangereuse, qui consiste à placer le levier de changement de marche dans la position qui convient à la marche en arrière, la machine continuant à marcher en avant et le régulateur de vapeur étant tout grand ouvert.

Dans ces conditions, les pistons continuant à se mouvoir dans le sens direct, en vertu de la vitesse acquise sous l’action de la bielle motrice, il se produit, derrière chaque piston, une aspiration de vapeur et des gaz de la boîte à fumée, et devant chacun d’eux, un refoulement de vapeur dans la chaudière. C’est ce travail résistant d’aspiration et de refoulement qui, s’opposant à la marche en avant des pistons, exerce sur eux une action retardatrice, et peut arriver, en peu de temps, à neutraliser complètement leur mouvement.

Mais une telle manœuvre a de grands inconvénients, et elle n’est pas exempte de dangers pour le mécanicien qui l’exécute. La masse métallique des cylindres à vapeur et de leurs accessoires, s’échauffe rapidement, par suite de la compression énergique du refoulement des gaz. Il en résulte le grippement des pièces frottantes, la carbonisation des garnitures, la destruction des joints, et la surélévation de pression dans la chaudière. On n’avait donc recours au renversement de la vapeur qu’en cas d’extrême nécessité, et on ne pouvait jamais l’employer dans les conditions normales du service.

Une modification heureuse et simple de ce mode d’opérer a été réalisée par M, Le Châtelier, ingénieur en chef des mines, qui a fait de la marche à contre-vapeur un moyen énergique et rapide pour l’arrêt rapide des trains en marche.

L’artifice imaginé par M. Le Châtelier consiste à faire pénétrer dans les cylindres