Aller au contenu

Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/466

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les expériences, commencées au mois d’octobre 1885, durèrent plus d’une année. Un rapport fait à l’Académie des sciences, par M. Maurice Lévy, au mois de mai 1886, a donné de grands éloges à M. Marcel Deprez, mais cette approbation n’a pas trouvé beaucoup d’échos dans le public savant. Il nous suffira, pour le prouver, de citer l’opinion d’un recueil impartial, le Bulletin international d’électricité, qui apprécie en ces termes les expériences de Creil :


« Le programme, dit ce recueil, n’a pas été rempli, La machine génératrice d’électricité fonctionnant à Creil n’a pu utiliser qu’un peu plus que la moitié de la force mise à sa disposition. Au lieu de recevoir à Paris 100 chevaux-vapeur, avec un rendement de 50 pour 100, on a obtenu au maximum 52 chevaux, avec un rendement de 45 pour 100. Au lieu d’avoir à Paris trois réceptrices, entre lesquelles on devait distribuer le courant électrique, des raisons d’ordre administratif ont contraint M. Deprez à opérer avec une seule réceptrice.

Si la machine génératrice d’électricité a donné lieu à toutes sortes de mécomptes lorsqu’on a voulu modifier les principes de Gramme, la réceptrice, dont l’anneau est un véritable anneau Gramme, a toujours très bien fonctionné, sans exiger la moindre réparation.

M. Maurice Lévy a condamné l’isolement du conducteur, et a expliqué par une condensation électrique l’accident du 5 décembre 1885, où la génératrice et plusieurs postes télégraphiques ont été mis hors de service. L’emploi de fils nus placés hors de toute atteinte, à une distance de 1 mètre des fils téléphoniques ou télégraphiques, et isolés seulement au voisinage et à l’intérieur des ateliers, se recommande donc dans les applications futures de l’électricité.

Au début, il n’était question que d’une génératrice et de trois réceptrices. On a reconnu que, si l’on ne voulait pas exposer ces machines à une destruction plus ou moins complète à chaque variation de quelque importance dans les résistances à vaincre, il fallait recourir à des excitatrices séparées. Chaque machine s’est ainsi trouvée doublée d’une excitatrice, d’où diminution sensible du rendement, par suite de la force absorbée par celle-ci, augmentation des dépenses de premier établissement et complication du matériel.

La distribution de la force à la chapelle est obtenue par un procédé auquel l’électricité n’a rien à voir. L’arbre de la réceptrice commande mécaniquement, par courroie, une machine Gramme, qui à son tour joue le rôle de génératrice, et envoie un nouveau courant dans diverses réceptrices.

En résumé, la commission d’examen a procédé, le 24 mai 1886, à une expérience, une seule, qui a duré 2 ou 3 heures (la durée n’est même pas indiquée), et pendant laquelle la force électromotrice a varié de 4 887 à 6 290 volts pour la génératrice, et de 3 902 à 5 081 volts pour la réceptrice ; le travail fourni à la génératrice a varié de 66,7 à 116 chevaux, et le travail recueilli au frein de la réceptrice de 27,2 à 52 chevaux ; le rendement mécanique industriel a varié de 40,78 pour 100 au début à 44,81 pour 100 à la fin.

Au point de vue scientifique, le seul point qui mérite d’être signalé dans les expériences de Creil, c’est la production de courants de très hautes tensions sans qu’il y ait eu de déperdition sensible par le conducteur isolé et mis sous plomb. »


Les expériences de Creil entreprises en 1885 et 1886, dans les conditions grandioses que nous venons de signaler, n’ont donc pas produit ce qu’on en espérait. Pour transporter à de grandes distances des forces considérables, il faut un conducteur de faibles dimensions. Sans cela, c’est-à-dire s’il fallait employer un très gros fil métallique, les dépenses d’installation de la ligne ôteraient tout le bénéfice du transport de l’énergie. Malheureusement, les expériences de M. Marcel Deprez sur la ligne du chemin de fer du Nord, de Paris, à Creil, ont prouvé qu’un fil de faible section ne peut réaliser avec avantage et sécurité le transport de telles forces. On a reconnu, dans les expériences dont il s’agit, qu’il faut donner à l’électricité qui parcourt ce fil, une tension prodigieuse. C’est, à vrai dire, la foudre qui parcourt le conducteur électrique, réduit aux dimensions de 3 millimètres de diamètre. De là, de grands dangers, comme l’ont prouvé des accidents graves survenus pendant les expériences, et des difficultés qui interrompirent souvent le passage du courant électrique. N’oublions pas, d’ailleurs, que la perte de force pendant le transport a été considérable, puisqu’elle n’est pas moins de 50 pour 100.

En résumé, les expériences entreprises par M. Marcel Deprez, avec le concours