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L’observateur vise, à travers le trou percé dans le miroir mobile, la mire qui accompagne l’instrument, et il cherche à se mettre en rapport avec le second observateur placé au loin.

Les Anglais ont préféré le télégraphe solaire à notre télégraphe optique, parce que la ligne des communications est plus prompte à établir. Il suffit, en effet, de poser l’appareil sur le sol, et de faire le signe d’appel, qui consiste à faire tourner plusieurs fois le miroir sur lui-même, pour correspondre avec une station convenue d’avance, et placée à une distance considérable ; car les appareils de grandes dimensions peuvent atteindre à des portées de 80 kilomètres.

L’ennemi ne peut couper la ligne télégraphique, puisqu’elle passe au-dessus de sa tête, et il n’est besoin d’aucune longue-vue pour recevoir les signaux.

Puisque la portée des signaux solaires est de 80 kilomètres, on pourrait établir des stations fort éloignées les unes des autres ; cependant l’usage est de se contenter de deux stations pour une armée en campagne, ou une colonne expéditionnaire en mouvement.

Le miroir de 10 pouces, qui est le modèle adopté par l’État-major anglais, envoie le rayon solaire à cinquante milles, et ce signal se lit parfaitement à l’œil nu, pourvu qu’aucun obstacle ne s’interpose sur son trajet.

Pour se servir de l’héliographe, l’armée en marche établit la station héliographique à sa base d’opération, et après avoir franchi une certaine distance, elle se met en devoir de communiquer avec l’arrière-garde. Un soldat de la compagnie des héliographistes monte sur un lieu élevé, et y plante son héliographe, qu’il fait mouvoir horizontalement et verticalement, jusqu’à ce qu’il découvre, au moyen du rayon qui passe par sa mire et le centre de son miroir, la station établie à la base d’opération de l’armée. L’appareil optique est alors prêt à fonctionner, et l’opérateur peut être certain que ses émissions solaires sont vues par la station opposée.


Le seul inconvénient du télégraphe solaire, c’est qu’il ne fonctionne que de jour, puisque la lumière du soleil est son seul agent. Il est donc inférieur, sous ce rapport, à notre télégraphe optique, qui fonctionne la nuit, si l’on éclaire la boîte avec la lampe à pétrole. Mais dans combien de cas, même en ne fonctionnant que le jour, le télégraphe solaire ne rend-il pas des services ! Il peut créer des communications entre des îles ou des rives peu éloignées, qui ne peuvent recevoir de câble sous-marin, en raison de la dépense qui en résulterait.

C’est ce qu’a compris le gouvernement espagnol, dont les ingénieurs militaires communiquent journellement à travers le détroit de Gibraltar, entre Algésiras et Ceuta. La distance qui sépare le fort Santiago, en Espagne, du mont Hacke, sur la côte de Tanger, n’étant que de 17 milles nautiques, l’héliographe anglais a suffi pour établir cette communication. L’armée espagnole est, d’ailleurs, pourvue de ce même instrument.


Pour faire comprendre à quelles énormes distances le télégraphe solaire peut envoyer ses éclairs, nous dirons que le physicien allemand Gaüss, au commencement de notre siècle, put transmettre des éclairs solaires à plus de dix lieues, avec un petit miroir rectangulaire (0m,04 sur 0m,06), qu’il dirigeait à la main.

En Angleterre, on aperçut, à quarante lieues de distance, les éclats d’un miroir, de 0m,60 de côté. Enfin, Le Verrier, placé à Marseille, sur la colline Notre-Dame-de-la Garde, put percevoir des rayons solaires qui étaient envoyés du cap Creuss, en Espagne.

Nous avons déjà dit qu’en 1879 et 1880,