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le colonel Perrier, dans ses mesures de triangulation entre l’Espagne et l’Algérie, envoyait des signaux lumineux perceptibles à 70 lieues de distance.

La portée des signaux solaires n’a donc d’autre limite que la rotondité de la terre, et une certaine absorption de lumière qui paraît se produire dans les couches de l’air très voisines du sol.

La tour Eiffel, de 300 mètres, qui a été construite à l’occasion de l’Exposition de 1889, pourrait, en cas de guerre, servir à produire des éclairs lumineux, qui seraient visibles à des distances immenses, la limite de la rotondité de la terre étant annulée, par l’excessive hauteur du monument. On pourrait de Paris envoyer des signaux et établir une correspondance au-dessus des lignes ennemies, à une station placée jusqu’à trente lieues de distance. Belle réponse à ceux qui demandent à quoi peut servir la tour Eiffel !




CHAPITRE III

emploi de la télégraphie optique dans les armées des différentes nations.

Le télégraphe solaire a été fort utile à l’armée anglaise, dans les expéditions de l’Afghanistan et du Zoulouland. Il a remplacé l’usage des signaux à drapeaux entre les corps détachés. Il a été utilisé dans toutes les expéditions où le télégraphe électrique ne pouvait être installé. Il a parfois fait défaut, par suite de l’absence du soleil ; mais il a pu souvent servir, même sous un ciel nuageux, quand on n’était qu’à un faible éloignement.

Il ne sera pas sans intérêt de faire connaître avec détails dans quelles circonstances a été réalisée jusqu’ici l’application de la télégraphie optique aux opérations des armées, en diverses parties du monde. Nous emprunterons ce récit à un travail d’un officier belge, M. Rodolphe Van Wetter, auteur d’une brochure publiée à Anvers en 1885, sous ce titre : Les Télégraphes optiques.


« Les Américains, dit l’auteur, employèrent la télégraphie optique dans les principaux combats de la guerre de Sécession. Ils s’en servirent, soit pendant le combat, en cas de destruction des lignes télégraphiques, soit pour faire coopérer les armées de terre et de mer, et surtout dans le service d’exploration. À la bataille d’Allatowna, lorsque l’ennemi eut détruit les lignes télégraphiques, les signaux optiques demeurèrent le seul moyen de communication entre le général Sherman et les troupes de secours, avec lesquelles on put lier conversation par-dessus la tête de l’ennemi. Les réserves purent intervenir à temps pour sauver l’armée d’une défaite probable.

Le besoin de la correspondance par signaux optiques fut si impérieux, qu’on organisa un corps spécial chargé de l’exécution des signaux. Ce corps, à la fin de la campagne, comprenait deux cents officiers et un nombre proportionné d’hommes de troupe.

Le général Myer, chef du Corps des signaux, termine son rapport comme suit : Depuis le commencement jusqu’à la fin de la guerre, il ne s’est pas livré une bataille de quelque importance sur terre ou sur mer, sans que le corps des signaux y eût utilement pris part et s’y soit vaillamment comporté. »


Parlant de l’emploi de la télégraphie optique en Europe, particulièrement pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871, M. Van Wetter s’exprime ainsi :


Armée Allemande. — À part quelques essais au siège de Metz, essais qui, à cause de leur rapide improvisation, ne donnèrent pas un très bon résultat, ainsi que l’emploi de signaux verts et rouges au siège de Belfort, rien de particulier n’est à constater.

Les expériences prescrites avant 1870 furent interrompues à l’époque de la guerre franco-allemande.

Armée Française. — 1o Au siège de Paris. — C’est M. Maurat qui imagina le premier système optique. On forma immédiatement une commission, sous la présidence du lieutenant-colonel Laussédat, pour examiner les avantages à retirer de la télégraphie optique. On avait en vue l’essai de mettre Paris en communication avec la province. De nombreux appareils furent construits : l’appa-