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massés dans la gare dormaient en laissant tomber la neige ou fumaient leurs interminables pipes de porcelaine, lorsque, cinq heures sonnant, le détachement du capitaine Coumès, se glissant par une rue de Fontenoy, déboucha sur la place de la gare.

« Il était interdit de faire feu ; on devait aborder l’ennemi à l’arme blanche ; et opérer en faisant le moins de bruit possible.

« La nuit était si épaisse que le factionnaire allemand eut quelque peine à apercevoir les francs-tireurs. Il entrevit d’abord une masse confuse, et il a déclaré depuis qu’il croyait voir devant lui une troupe de paysans se rendant à l’église. Tandis qu’il cherchait à bien distinguer ce qu’il regardait, deux coups de baïonnette le firent rouler dans la neige. Le capitaine Coumès, suivi de deux sous-officiers et d’une centaine d’hommes, s’élançait au pas de course sur la gare. Le second factionnaire fut tué. Les Allemands sautèrent sur leurs fusils et voulurent sortir, mais ils furent refoulés ; d’autres groupes de francs-tireurs pénétrèrent dans la salle d’attente par les fenêtres. Une courte lutte à la baïonnette s’engagea, plusieurs Allemands furent blessés, d’autres se rendirent, le reste s’échappa et courut à Toul donner l’alarme.

« Aussitôt la gare prise, les francs-tireurs se portèrent vers le pont, tuèrent les deux sentinelles et, sans perdre une minute, disposèrent de la poudre le long d’un des piliers. Une explosion, entendue à plusieurs lieues a la ronde, fit sauter le pont. Il était temps, car il arrivait de Nancy un train chargé d’ennemis.

« La troupe du capitaine Coumès avait accompli sa mission. Les communications des Allemands étaient coupées ; les approvisionnements destinés au siège de Paris devraient désormais faire un très long détour, pendant lequel ils étaient exposés à être enlevés.

« Les francs-tireurs revinrent sans être inquiétés au camp de la Vacheresse.

« Cette courte opération a été certainement un des beaux faits de guerre de la campagne. »

Si le pont de Fontenoy avait été coupé deux mois plus tôt, le siège de Paris n’eût commencé qu’au mois de décembre, le gouvernement de la Défense nationale aurait eu le temps de faire entrer dans Paris beaucoup plus de vivres, d’équiper, d’armer et surtout d’exercer tous les soldats improvisés de nos bataillons de la garde mobile et de la garde nationale ; et qui sait ce qui fût arrivé ! Or, le fait est bien démontré, si après Sedan on ne fît pas sauter le pont de Fontenoy et les six tunnels des Vosges, pendant la retraite de l’armée commandée par le maréchal de Mac-Mahon, c’est qu’on ne disposait d’aucun moyen de transport pour amener de Paris quelques tonneaux de poudre ! Nous n’éprouverions pas aujourd’hui les mêmes difficultés, il y a toujours de la place dans un fourgon, pour y loger quelques pétards de dynamite.

La dynamite est souvent employée dans l’armée, pour mettre hors de service une pièce d’artillerie de siège ou de campagne. Pour cela, on introduit dans l’âme de la pièce une charge de 500 grammes de dynamite, que l’on fait exploser.

Pour briser un canon, de manière à le réduire en blocs de fonte, faciles à transporter, on fait descendre la pièce dans une fosse, et on la cale, la bouche en haut. Ensuite on fait arriver dans l’âme (fig. 111) deux charges de dynamite, attachées à une baguette en bois, la plus forte au fond, la plus faible à la hauteur des tourillons. On prend autant de grammes de dynamite qu’il y a de kilogrammes de métal du canon. On met au fond les deux tiers de la charge, et un tiers au milieu. On remplit d’eau la pièce, et on ferme la bouche avec un tampon de bois, qui ne laisse passer que les fils électriques conducteurs.

C’est, en effet, avec l’étincelle électrique qu’il est préférable d’opérer l’inflammation de la charge.

Un exploseur électrique sert à déterminer l’envoi du courant dans l’amorce fulminante, que l’on a disposée au-dessous de la charge, ainsi que nous le représente la figure 111.

Le canon est brisé en 90 à 100 morceaux.

Au lieu de chercher à décharger les obus qui n’ont pas éclaté, il vaut mieux les détruire avec de la dynamite, qui brise l’enveloppe métallique, et fait brûler à l’air libre