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notre Supplément à l’artillerie moderne, apprécier la distance qui vous sépare du but à atteindre, c’est-à-dire de l’ennemi. Pour l’infanterie, comme pour l’artillerie, il est indispensable de régler la hausse. Si l’on néglige cette précaution élémentaire, les balles tomberont au delà ou en deçà du but, et l’ennemi laissera les bataillons gaspiller leurs munitions, en se réservant de les attaquer au moment opportun. Comme nous l’avons indiqué dans la Notice précédente, les officiers d’artillerie utilisent, pour apprécier les distances, l’observation des points de chute des obus, mais ce procédé ne saurait être employé par l’infanterie. Une balle, en touchant terre, soulève si peu de poussière, et le nombre de balles tirées au même instant et envoyées dans la même direction, est si considérable, qu’une telle façon d’évaluer les distances serait absolument illusoire. On a bien proposé de faire exécuter des feux de salve : on aurait alors une gerbe de cinquante ou de cent balles, dont on pourrait observer le point de chute ; mais cette méthode, expérimentée au camp de Châlons, a été jugée inapplicable.

Les moyens d’appréciation des distances dont dispose l’infanterie sont de deux sortes : la vue et le son, d’où résultent deux procédés absolument distincts. La vue d’abord. Les commandants de compagnie apprennent à leurs soldats à étalonner leur pas, c’est-à-dire à mesurer une distance quelconque en comptant le nombre des pas qu’ils ont faits pour la franchir ; puis, on exerce les hommes à apprécier les distances à la vue. On cite des montagnards qui ont l’œil assez exercé pour ne commettre, dans l’appréciation d’une distance de 1 500 à 2 000 mètres, tout au plus qu’une erreur de 10 à 50 mètres. Mais ce sont là des exceptions.

En se basant sur ce fait que le son parcourt 333 mètres par seconde ; on peut essayer d’apprécier la distance en comptant le temps écoulé entre la vue et l’audition d’un coup de feu. Ce procédé n’est applicable que si l’on a en face de soi une batterie, car l’observation sur un coup de fusil, déjà très difficile au delà de 300 mètres, devient impossible au delà de 1 000 mètres. L’appréciation des distances est d’autant plus difficile, sur un champ de bataille, que l’adversaire se déplace presque constamment. Aux petites distances, en dehors du moment très court de l’attaque décisive, l’ennemi profite de tous les accidents de terrain, pour se dérober. Sa présence ne se révèle alors que par la fumée des coups de fusil, le déplacement des blessés, le mouvement des hommes qui quittent un abri pour un autre, ou pour gagner du terrain en avant. Encore les grandes puissances européennes possèdent-elles, à présent, une poudre qui brûle sans produire le plus léger nuage de fumée.

Il existe, toutefois, quelques instruments destinés à atteindre ce but. L’armée française et l’armée belge font usage de télémètres compliqués et d’un usage difficile. Nous ferons connaître, en raison de sa simplicité, le télémètre en usage dans l’armée autrichienne, ou télémètre de Roksandic (fig. 208).

Cet instrument, tel qu’il est décrit dans l’ouvrage allemand de Schmidt, consiste en une chambre cubique, A, longue de 4 centimètres et haute de 3 centimètres. Le côté postérieur, qui fait face à l’œil de l’observateur, est complètement ouvert. La paroi antérieure est munie du regard, D, et la paroi latérale de droite, du regard, E. La paroi latérale de gauche ainsi que les parois inférieure et supérieure ne sont pas percées. Deux miroirs, B, C, inclinés à angle aigu, permettent de voir, à l’extérieur, les objets par la réflexion de la lumière sur le miroir B, puis sur le miroir C. Une vis micrométrique, contenue dans le fourreau F, fait varier l’inclinaison des deux miroirs. Une