Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

exigera tout au plus une seconde de temps.)

Il est donc facile, quand une fois on a acquis une certaine pratique, de mesurer les distances inférieures à 3 000 pas dans un tiers de minute, une demi-minute au plus, en employant le rapport 1 : 100.

Les erreurs, avec ce rapport, ne montent en aucun cas à 2 p. 100 de la distance, dit-on.

Il résulte, des considérations qui précèdent, que les limites de l’emploi des feux de l’infanterie dépendent, non seulement de la justesse et de la portée de l’arme, mais aussi de la connaissance des distances, des dimensions, du but, de l’habileté des tireurs et de la forme du terrain. À la guerre, il convient encore de tenir compte de l’état moral de la troupe qui tire, et de la quantité de munitions dont elle dispose. On ne saurait donc fixer d’une façon absolue les limites de l’emploi des feux de l’infanterie.

On a constaté, pourtant, à l’aide de nombreuses expériences, que les distances auxquelles on a des chances d’atteindre le but, avec le fusil Gras ou le fusil modèle de 1886, sans faire une consommation exagérée de munitions, sont les suivantes : à 200 mètres, sur un homme abrité ou couché ; à 300 mètres, sur un homme debout ou à genoux ; à 450 mètres, sur un cavalier isolé ; à 500 mètres, sur une escouade ; à 600 mètres, sur une ligne de tirailleurs ; à 800 mètres, sur une compagnie en ordre dispersé ; à 1 500 mètres, sur des compagnies, des sections d’artillerie ou des escadrons de cavalerie. Ces limites qui, d’ailleurs, n’ont rien d’absolu, peuvent être dépassées quand les circonstances atmosphériques sont favorables ou que le réglage du tir est facile.

Au surplus, les feux sur un but éloigné, même s’ils n’ont pas d’effet matériel, peuvent avoir pour résultat d’ébranler le courage de l’ennemi, de retarder son entrée en ligne ; ils peuvent rendre difficile l’occupation d’un point important, tel qu’un pont, un croisement de routes, un débouché de défilé.

On se livra en Suède, en 1883, et en France, en 1887, à des essais de tir comparatif, avec le fusil ordinaire et le fusil à répétition. À 200 mètres, soixante-huit tireurs ont tiré 1 544 coups en deux minutes avec le fusil à répétition, et 1 374 coups avec le fusil ordinaire, soit 20 et 23 coups par soldat. En revanche, on a mis 35 balles p. 100 dans la cible, avec le fusil à répétition.

La conclusion est aisée à formuler : on ne doit employer le tir à répétition qu’à des distances de 200 à 300 mètres, sur des buts de grande largeur. Pendant l’assaut, quelques instants avant que les soldats engagent le combat à l’arme blanche, le tir à répétition sera aussi très utile. Mais aux distances éloignées les officiers devront toujours s’opposer à l’emploi du tir à répétition ; on n’aboutirait, de la sorte, qu’au gaspillage des munitions.

Nous ajouterons maintenant que les désavantages du tir à répétition sont assez nombreux. Un fusil à répétition nécessite une plus forte consommation de cartouches ; son entretien est, en général, difficile et délicat ; son poids est relativement plus considérable ; il cause une plus grande fatigue au soldat, pendant toute la campagne, pour obtenir l’avantage, qui se présentera bien rarement, d’envoyer à l’ennemi beaucoup de plomb, à un moment donné.

En outre, les essais entrepris jusqu’à ce jour, essais faits, non dans les arsenaux ou les villes de garnison, mais à la guerre, n’ont pas mis en évidence la supériorité du fusil à répétition sur le fusil Gras.

Nos marins, dans la campagne de Tunisie, avaient cette arme, et on a pu constater, à Sfax notamment, qu’ils n’avaient point fait usage du magasin, quoiqu’ils eussent eu à répondre à un feu des plus vifs. Au Tonkin, certaines unités ont été armées du fusil à répétition, et rien n’a montré qu’elles fussent supérieures aux autres.

Au surplus, même en admettant que le