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fort incomplets. La découverte de la photographie instantanée vint permettre de résoudre, avec une extrême élégance, le problème de la découverte des mouvements des animaux.

Ce ne fut pas cependant M. Marey qui entra le premier dans cette nouvelle voie. Il fut devancé par un photographe américain, M. Muybridge, de San Francisco, qui sut, le premier, photographier, à des intervalles égaux et très courts, les différentes parties des membres des animaux en mouvement pendant la marche.

Comment le photographe américain a-t-il obtenu ces résultats ? Muybridge, quand il s’agit de photographier les mouvements du galop d’un cheval, par exemple, dispose à côté les unes des autres trente chambres obscures, munies chacune d’un obturateur électrique, en les plaçant à 33 centimètres l’une de l’autre. Le cheval galopant le long d’une piste passe devant les 30 objectifs, et sur son chemin il brise de petits fils conducteurs tendus à travers le sol, à une certaine hauteur. En se brisant, chaque fil détermine la fermeture d’un courant électrique, qui va découvrir et refermer aussitôt un des obturateurs de la chambre noire. Au devant de l’objectif est un écran blanc, vertical, sur lequel l’animal se détache vigoureusement ; ce qui permet de prendre plus nettement l’image photographique.

En développant les trente images ainsi formées sur la plaque de gélatino-bromure, on obtient les positions des membres du cheval pendant le galop.

C’est par un procédé semblable que M. Muybridge a fixé les différentes positions d’un chien lévrier à la course, du cerf, du taureau, du bœuf. L’homme en mouvement fut également fixé sur la plaque sensible par M. Muybridge, qui obtint huit images d’un clown faisant le saut périlleux.

Les photographies de M. Muybridge furent envoyées, en 1859, à Paris, où elles firent beaucoup de sensation. Les physiologistes y voyaient un moyen de décomposer, comme l’avait fait M. Marey, les mouvements naturels des animaux ; les artistes se rendaient mieux compte des attitudes des animaux pendant leurs mouvements de progression, de course, de saut, etc.

On ne tarda pas à imiter, à Paris, les curieuses expériences du photographe américain. C’est ainsi qu’un photographe, M. A. de Lugardon, a obtenu l’image des sauteurs tels que nous les reproduisons, à la page précédente, dans les figures 57 et 58.

M. Marey s’empressa de suivre la voie qui lui était ouverte, et il se distingua par des perfectionnements fondamentaux, qu’il apporta au procédé américain.

En effet, M. Muybridge, comme on vient de le dire, prenait plusieurs images successives d’un animal en mouvement, sur une série de plaques. Mais en opérant ainsi, on ne peut connaître exactement le temps qui sépare les différentes impressions. Il est bien plus avantageux, au lieu d’opérer sur des plaques différentes, d’opérer sur une seule et même plaque. Il faut seulement que la plaque conserve toute sa sensibilité, d’une pose à l’autre.

M. Marey, est parvenu à résoudre cette difficulté par l’emploi de l’instrument que l’éminent astronome français, M. Janssen, avait imaginé pour l’observation photographique des éclipses de soleil, et qu’il avait appelé le revolver photographique.

M. Marey, appliquant à l’étude des mouvements des animaux le revolver photographique de M. Janssen, a pu reproduire les différentes attitudes d’un coureur vêtu de blanc, qui passait devant un écran noir. Un obturateur à plusieurs trous, mû par un mécanisme d’horlogerie, tournant devant l’objectif, démasquait cet objectif, à intervalles égaux. Le fond étant complètement noir ne produisait aucune impression sur la plaque, mais on fixait, à chaque ouverture,