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ta sous le reflet des quatre lumières d’un poteau d’ornementation.

— Laisse-moi voir cette robe blanche, Lucille, elle est belle, elle te va bien. Sais-tu ce que j’ai ressenti au premier moment, de la surprise de te voir en pâle, tu m’y as si peu habitué. Où avais-je l’idée de te poser cette question ? N’est-ce pas un peu ta faute ? Ne m’avais-tu pas annoncé une robe bleue ? Cette toilette te fait si différente. On m’a changé ma petite Cendrillon.

À son accent penaud, elle comprend aussitôt qu’il désire réparer sa gaucherie. Il accumule les mauvaises raisons, il sait si peu mentir. Aussi ne retient-elle pas un mot de ce plaidoyer, la misérable phrase tinte encore toute vibrante à son oreille : « Pourquoi as-tu mis une robe blanche ? » Et ce ton, ce ton de reproche, était-il assez éloquent.

Elle était plus pâle qu’à l’ordinaire, et n’articula pas une parole en réponse à cette diatribe. Il la prit par le bras, et doucement l’entraîna vers la salle de représentations. Plusieurs fois, il essaie d’engager la conversation ; mais ce soir, c’est elle qui est absente, et volontairement. Elle frissonne chaque fois que sa voix vient frapper son oreille pleine d’une seule parole, et répond par monosyllabes. Tandis que les scènes se déroulent sur l’écran, deux grosses larmes coulent le long de ses joues pâlies, et viennent rouler jusque sur ses mains croisées, sur la malheureuse robe blanche.

Il comprend qu’elle souffre encore à cause de lui, et il n’est pas méchant.