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Pierrette revint chez elle. De l’avoir donné, ce bandeau, de penser qu’elle ne le verrait plus, lui était un soulagement.

Sa mère, au contraire, ne pouvait imaginer qu’elle se départît avec joie d’un bijou qu’elle avait un jour paru si fort apprécier.

— Si tu le désirais une fois ou l’autre, petite, pour aller en soirée ?

— Il ne serait plus de ma condition de fortune. De plus, il me rappelle un lâche. Ce souvenir m’est plutôt pénible.

— Tu n’as pas de nouvelles de Charlie, mon enfant ?

— Non, maman. Et comment voudriez-vous que j’en aie ?

— Quelque fois j’avais l’espérance. Tu sais, dans les mêmes circonstances, il n’aurait pas agi comme Guy de Morais.

Cette idée, combien de fois avait-elle hanté l’imagination de Pierrette depuis ces jours de malheur ! Elle avait senti dans son âme la certitude que Charlie n’aurait pas abandonné sa fiancée pour une question d’argent. Elle le savait si désintéressé. Que pouvait-elle contre l’inéluctable ? elle l’avait sacrifié de gaieté de cœur, lui, le seul ami qui aurait eu le courage de lui être fidèle dans l’épreuve. Ces pensées étaient inutiles, elle ne pouvait rien changer à sa conduite passée.

Un lourd silence passa entre les deux femmes. Pierrette ne voulait pas donner suite à la remarque de sa mère, il lui était désagréable de s’entendre rappeler qu’elle avait commis une bévue, une de ces bévues qui sont irréparables. Elle s’était crue de son siècle, c’est à dire une femme qui consulterait sa tête au lieu de son cœur dans une question de mariage, et elle avait la preuve du contraire.

Inutile d’avoir des regrets si la vie était à recommencer, elle sentait que sa conduite serait la même. Rien ne peut compter devant l’amour. Toute cette soirée, elle resta pensive.