Page:Fischer - Études sur Flaubert inédit, 1908.djvu/15

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épuisée, et le jeune auteur se tourne vers un sujet de pure invention, sujet qui est pris dans un milieu profondément intéressant pour toutes les intelligences enfantines, dans la vie des saltimbanques.

Un parfum à sentir ou les Baladins, conte philosophique, moral ou immoral, ad libitum — veut nous peindre la misère de cette vie artistique qui se cache sous des aspects si éblouissants pour la jeunesse. Marguerite, la femme de l’acrobate, occupe le centre du récit. La destinée ne lui épargne rien des souffrances terrestres, et les privations, la faim, la jalousie finissent par la pousser au suicide ; elle se jette dans la Seine. Ce qui mérite d’être relevé dans ce récit, ce sont les violentes protestations contre la cruauté de la société qui exile les êtres qui ne vivent pas comme elle, puis la profonde pitié pour la pauvre femme, laide, méprisée, car Marguerite a des cheveux rouges et déplaît à tout le monde par son manque de grâce. Puis ce fait, que le récit contient déjà des visions. Lorsque Pedrillo, le mari de Marguerite, voulant procurer du pain à sa famille, risque au jeu son dernier louis d’or, il gagne, puis il perd tout et rentre chez lui désespéré ; c’est pendant cette promenade au clair de lune que tous les objets semblent se transformer et prendre des formes bizarres dans l’imagination du malheureux. Ce penchant qui déjà se manifeste, devait plus tard entraîner Flaubert vers un sujet se composant uniquement de visions, vers la Tentation de Saint Antoine.

Nous procédons par ordre chronologique et nous arrivons à une Petite chronique Normande qui nous intéresse moins. La Femme du monde qui