Page:Fischer - Études sur Flaubert inédit, 1908.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du saint et surtout la description du milieu présentent des différences remarquables avec la première rédaction qui abondait en surnaturel (nous y trouvions le cochon qui parlait) et qui ne possédait pas cet admirable tableau de paysage, au début de l’œuvre définitive. La première rédaction était conçue en pièce de théâtre et restait, quant à l’endroit, dans le vague.

Tous ces éléments ont été supprimés. Les visions ne sont plus des réalités surnaturelles, mais des œuvres de l’imagination surchauffée du saint, c’està-dire des hallucinations. De cette manière, le travail a pris un caractère réaliste. Tout ce qu’il y avait de trop visiblement satirique a été adouci ou voilé et le triste-grotesque se montre avec un goût plus recherché.

Certes, en suivant de près tous ces changements de la Tentation, on étudie en même temps la genèse artistique de Flaubert. Mais revenons pour un instant à la première rédaction. Ce n’est qu’après avoir pris connaissance de tous les essais précédents qu’on peut comprendre l’immense déception de Flaubert causée par le jugement de ses amis. Car en effet cet ouvrage est le confluent de mille petites scènes de la vie intime de Flaubert ; il s’efforce de réunir dans une grande synthèse tout ce qu’il avait rêvé et senti jusqu’alors. Et si cette première Tentation clôt ainsi la période de jeunesse de Flaubert, elle est, dans son ensemble et par la persistance de son auteur à revenir toujours à son même sujet, devenue l’œuvre de sa vie toute entière.

Ceux de nos lecteurs qui connaissent la correspondance si instructive de Gustave Flaubert doivent s’être aperçus combien cette première période, dont