Page:Fischer - Études sur Flaubert inédit, 1908.djvu/29

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nous venons d’analyser succinctement les ouvrages, diffère de celle de l’artiste arrivé à l’âge mûr. Si ce dernier fait alors abstraction complète de ce qui s’appelle l’inspiration, s’il cherche à la remplacer à force de volonté et par l’habitude d’un travail régulier, l’écrivain d’avant 1850, au contraire, se laisse aller aux jets brusques de son imagination spontanée. Or, en jetant un coup d’œil sur l’ensemble des ouvrages, la chronologie témoigne une irrégularité intéressante et instructive. C’est d’abord une forte production de courts récits qui remplit les premières années. Puis, dès 1839, le nombre diminue et, par contre, chacun des ouvrages prend plus d’extension. Cette seule évaluation extérieure nous donne la preuve de la cristallisation qui s’opère intérieurement chez l’artiste. Si l’auteur a tâché de faire apparaître dans les premiers essais d’abord timidement ici et là sa vie personnelle, son moi lyrique prend, avec le temps, des essors de plus en plus vastes ; il arrive à déborder, à dominer tous les autres éléments du récit, à les chasser même pour se poser comme objet central et unique. Mais en même temps la trame du récit disparaît. Les sujets qui lui ont servi d’abord de charpente, s’effondrent petit à petit, et il ne reste qu’un lyrisme personnel vague et indécis comme une fine poussière.

Certes, ces récits de jeunesse ne tirent pas leurs qualités de leur valeur artistique, mais de leur intérêt psychologique, relativement à la formation et à la genèse de l’artiste. Quant au Flaubert que nous connaissons, que nous aimons et que nous admirons tant, nous le retrouvons à peine avant 1850. Cependant, si l’artiste éminent n’est pas encore formé,