Page:Fischer - Études sur Flaubert inédit, 1908.djvu/30

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nous sommes en présence du même homme ; nous voyons dans un mélange varié la même haine contre le bourgeois et les opinions reçues, le même regret du passé et le même désir s’envolant vers le lointain et l’inconnu, le même orgueil noble mais dédaigneux, et l’amour fanatique de l’idéal de l’art, le renoncement douloureux mais ferme à tout bonheur personnel, l’éloignement du monde, le sentiment de la solitude, son scepticisme et son pessimisme. Voilà les sentiments qui se trouvent au fond de ses ouvrages comme sources inspiratrices et qui en constituent les sujets. Mais l’idée fondamentale se présente rarement sous un jour clair dans son exécution, notamment dans les ouvrages philosophiques où la pensée se cache sous tant de décors romantiques, et le problème cherché, par suite de digressions, oscille perpétuellement. Cependant il y a un motif qui se poursuit d’un bout à l’autre, un cri qui revient et se répète partout, le cri : qu’est-ce que l’âme ? y a-t-il vraiment une âme ? Tantôt ce cri est féroce et désespéré, tantôt lugubre et résigné, mais le plus souvent c’est un ricanement satanique. L’effroyable idée de l’individu en face de l’éternité, du néant, ne lui laisse pas un instant de repos. Les désirs mystiques s’envolent de son âme pour se perdre dans l’espace vide et froid du scepticisme ; nulle part un soutien, un secours amical, un repos. Souvent il le cherche dans l’oubli, dans la négation, dans l’anéantissement de l’individu, mais, hélas, il le cherche seulement et il ne le trouve pas.

Il est naturel qu’une intelligence qui s’oriente tant vers les côtés douloureux de la vie, ne puisse exprimer ses rêves sous de riantes images, et qu’elle