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LA CROYANCE À LA FIN DU MONDE

donc cesser de prendre à la lettre la prédiction du Maître et chercher à en interpréter l’esprit. Mais il n’y en eut pas moins là un grand coup de porté à la croyance évangélique. On ensevelissait pieusement les morts, on les couchait avec vénération dans le cercueil au lieu de les laisser se consumer par le feu, et l’on écrivait sur leurs tombes qu’ils dormaient là en attendant la résurrection. Jésus devait revenir « bientôt » juger « les vivants et les morts ». Le mot de reconnaissance des chrétiens était Maran atha, « le Seigneur va venir ».

Les apôtres Pierre et Paul moururent, selon toutes les probabilités, en l’an 64, dans l’horrible carnage ordonné par Néron après l’incendie de Rome, allumé par ses ordres et dont il accusa les chrétiens pour savourer le plaisir de nouveaux supplices. Saint Jean écrivit l’Apocalypse en l’an 69. Un brouillard de sang couvre le règne de Néron : le martyre paraît le sort naturel de la vertu. L’Apocalypse semble écrite sous le coup de l’hallucination générale et représente l’antéchrist Néron précédant l’avènement final du Christ. Des prodiges éclatent de toutes parts. Comètes, étoiles filantes, éclipses, pluies de sang, monstres, tremblements de terre, famines, pestes, et, par-dessus tout, la guerre des Juifs, la fin de Jérusalem, — jamais peut-être tant d’horreurs, tant de cruautés, tant de folies, tant de catastrophes ne furent réunies en un si petit groupe d’années (64 à 69). La petite église de Jésus semblait