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LA CROYANCE À LA FIN DU MONDE

les autres à s’enfuir vers leurs demeures. Pendant l’éclipse du 29 juillet 1878 qui fut totale aux États-Unis, un nègre, pris subitement d’un accès de terreur et convaincu de l’arrivée de la fin du monde, égorgea subitement sa femme et ses enfants.

Il faut avouer, du reste, que de tels phénomènes sont bien faits pour frapper l’imagination. Le Soleil, le dieu du jour, l’astre aux rayons duquel notre vie est suspendue, perd sa lumière qui, avant de s’éteindre, devient d’une pâleur effrayante et lugubre. Le ciel transformé prend un ton blafard, les animaux sont désorientés, les chevaux refusent de marcher, les bœufs au labour s’arrêtent comme des masses inertes, le chien se réfugie contre son maître, les poules rentrent précipitamment au poulailler après y avoir réuni leurs poussins, les oiseaux cessent de chanter et l’on en a même vu tomber morts. Lors de l’éclipse totale de soleil observée à Perpignan le 8 juillet 1842, Arago rapporte que vingt mille spectateurs formaient là un tableau bien expressif. « Lorsque le Soleil réduit à un étroit filet commença à ne plus jeter qu’une lumière très affaiblie, une sorte d’inquiétude s’empara de tout le monde, chacun éprouvait le besoin de communiquer ses impressions. De là un mugissement sourd, semblable à celui d’une mer lointaine après la tempête. La rumeur devenait de plus en plus forte à mesure que le croissant solaire s’amincissait. Le croissant disparut. Les ténèbres succédèrent subitement à la clarté,