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LA FIN DU MONDE

dominer les angoisses morales. L’atmosphère devenait d’heure en heure plus pénible à respirer, plus fatigante, plus cruelle. Les petits enfants pleuraient, souffrant d’un mal inconnu, appelant leurs mères.

À Paris, à Londres, à Rome, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, dans toutes les capitales, dans toutes les villes, dans tous les villages, les populations agitées erraient au dehors, comme on voit les fourmis courir éperdues dans leurs cités troublées. Toutes les affaires de la vie normale étaient négligées, abandonnées, oubliées ; tous les projets étaient anéantis. On ne tenait plus à rien, ni à sa maison, ni à ses proches, ni à sa propre vie. C’était une dépression morale absolue, plus complète encore que celle qui est produite par le mal de mer.

Les églises catholiques, les temples réformés, les synagogues juives, les chapelles grecques et orthodoxes, les mosquées musulmanes, les coupoles chinoises bouddhistes, les sanctuaires des évocations spirites, les salles d’études des groupes théosophiques, occultistes, psychosophiques et anthroposophiques, les nefs de la nouvelle religion gallicane, tous les lieux de réunion des cultes si divers qui se partageaient encore l’humanité avaient été envahis par leurs fidèles en cette mémorable journée du vendredi 13 juillet, et, à Paris même, les masses entassées sous les portails ne permettaient plus à personne d’approcher des