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LE CHOC

—églises, à l’intérieur desquelles on aurait pu voir tous les croyants prosternés la face contre terre. Des prières étaient marmottées à voix basse. Mais les chants, les orgues, les cloches, tout se taisait. Les confessionnaux étaient enveloppés de pénitents attendant leur tour, comme en ces anciennes époques de foi sincère et naïve dont parlent les histoires du moyen âge.

Dans les rues, sur les boulevards, partout même silence. On ne criait plus, on ne vendait plus, on n’imprimait plus aucun journal. Dans les airs, aviateurs, aéronefs, hélicoptères, ballons dirigeables avaient disparu. Les seules voitures que l’on vît passer étaient les corbillards des pompes funèbres conduisant à l’incinération les premières victimes de la comète, déjà innombrables.

La journée se passa sans incident astronomique. Mais avec quelle anxiété n’attendait-on pas la nuit suprême !

Jamais peut-être coucher du soleil ne fut aussi beau, jamais ciel ne fut aussi pur. L’astre du jour sembla s’ensevelir dans un lit d’or et de pourpre. Son disque rouge descendit à l’horizon. Mais les étoiles ne parurent pas. La nuit n’arriva pas. Au jour solaire succéda un jour cométaire et lunaire, éclairé d’une lumière intense, rappelant celle des aurores boréales, mais plus vive, émanant d’un large foyer incandescent, qui n’avait pas brillé pendant le jour