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LA FIN DU MONDE

entre l’Europe et l’Amérique étant devenues de plus en plus faciles et la mer ayant cessé d’opposer un obstacle à la marche de l’humanité conforme à celle du Soleil, aux territoires épuisés de l’Europe occidentale l’activité industrieuse avait préféré les terres nouvelles du vaste continent américain, et déjà dès le vingt-cinquième siècle le foyer de la civilisation brillait sur les bords du lac Michigan, en une Athènes nouvelle de neuf millions d’habitants, égale à Paris. Mais ensuite l’élégante capitale française n’avait pas tardé à suivre l’exemple de ses aînées, Rome, Athènes, Memphis, Thèbes, Ninive, Babylone. Les grandes richesses, les ressources de tout ordre, les attractions efficaces étaient ailleurs.

L’Ibérie, l’Italie, la France, graduellement délaissées, avaient vu les solitudes s’étendre sur les ruines des antiques cités. Lisbonne avait disparu, détruite sous les flots ; Madrid, Rome, Naples, Florence étaient en ruines ; Paris, Lyon, Marseille avaient, un peu plus tard, suivi la même destinée. Les types humains et les langues avaient subi une telle transformation qu’il eût été impossible à l’ethnologiste ou au linguiste de retrouver quoi que ce fût du passé. On ne parlait plus depuis longtemps, ni français, ni anglais, ni allemand, ni italien, ni espagnol, ni portugais. L’Europe avait émigré au delà de l’Atlantique et l’Asie avait émigré en Europe. Les Chinois, au nombre d’un milliard, avaient insensiblement envahi toute l’Europe occidentale. Mélangés à la race anglo-saxonne, ils