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APRÈS LA FIN DU MONDE

propre durée. Les années de la Terre ne sont pas celles de Neptune. L’année de Neptune égale cent soixante-quatre des nôtres, et n’est pas plus longue dans l’absolu. Il n’y a pas de commune mesure entre le temps et l’éternité. Dans l’espace vide, il n’y a pas de temps : on n’est là en aucune année, en aucun siècle ; mais il y a cependant la possibilité d’une mesure qu’y déterminerait l’arrivée d’un globe tournant.

Sans mouvement périodique, on ne peut avoir aucune notion d’un temps quelconque.

La Terre n’existait plus. Ni la Terre, ni sa voisine céleste la petite île de Mars, ni le beau globe de Vénus, ni le monde colossal de Jupiter, ni l’univers étrange de Saturne qui avait perdu son auréole, ni les planètes lentes d’Uranus et de Neptune, ni même le sublime Soleil dont les feux avaient pendant tant de siècles fécondé les célestes patries gravitant dans sa lumière. Le Soleil était un boulet noir, les planètes étaient d’autres boulets noirs, et ce système invisible continuait de courir dans l’immensité étoilée, au sein du froid de l’espace obscur. Au point de vue de la vie, tous ces mondes étaient morts, n’existaient plus. Ils survivaient à leur antique histoire comme les ruines des villes mortes de l’Assyrie que l’archéologue découvre dans le désert sauvage, et roulaient obscurs dans l’invisible et dans l’inconnu. Tout cela était ultra-glacé, à 273 degrés au-dessous de zéro.