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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/153

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LA PLANÈTE MARS.

L’intérieur incandescent du Soleil, qui constitue ses parties les plus denses, rayonne de la lumière de toutes les longueurs d’onde possibles. En d’autres termes, son spectre est une bande continue, sans raies sombres. Les parties extérieures du Soleil sont gazeuses, d’une température beaucoup plus basse que les parties intérieures, et constituées des vapeurs des éléments chimiques contenus dans le Soleil. Ces vapeurs, celles de l’hydrogène et des métaux particulièrement, constituent une sorte d’atmosphère solaire. La lumière rayonnée de l’intérieur plus chaud de l’astre ne passe pas librement à travers l’atmosphère enveloppante. Celle-ci absorbe quelques-uns des rayons de toutes les longueurs d’onde (mais, plus particulièrement, les rayons bleus et violets). C’est là une absorption générale. Elle choisit aussi de la lumière de longueurs d’onde particulières, et absorbe cette lumière très fortement, produisant les raies noires. L’absorption qui produit les lignes sombres est sélective, et les lignes sont appelées lignes métalliques. Le spectre solaire est formé par le spectre continu de l’intérieur du Soleil, modifié ou interrompu par des milliers de lignes métalliques (sombres) produites par l’atmosphère solaire.

Notre propre atmosphère modifie, elle aussi, la lumière qui la traverse. Elle exerce une absorption générale qui affaiblit le spectre continu, et une absorption sélective qui introduit au moins 1 200 lignes sombres additionnelles. Ces lignes sombres — appelées lignes telluriques — constituent ce que nous pouvons nommer le spectre de notre atmosphère.

Si la planète Mars est entourée d’une atmosphère, celle-ci doit exercer aussi une absorption sur la lumière solaire qui la pénètre. Les rayons de lumière qui nous viennent de la planète ont leur origine dans le Soleil ; ils passent une fois à travers l’atmosphère solaire ; ils entrent dans l’atmosphère de Mars, sont réfléchis en partie par la surface de la planète, et en partie par les couches inférieures de son atmosphère, et ensuite nous arrivent en traversant enfin notre atmosphère. Le spectre de Mars est donc la combinaison des spectres des atmosphères solaire, martienne et terrestre. Si cette planète n’a pas d’atmosphère appréciable, le spectre de la planète sera simplement la combinaison des spectres solaire et terrestre.

Ce problème serait pratiquement insoluble si nous n’avions un moyen commode d’éliminer les spectres de l’atmosphère solaire et de l’atmosphère terrestre, en laissant seulement le spectre de Mars. Notre Lune n’a pas d’atmosphère sensible. Par conséquent, son spectre est le spectre combiné des atmosphères solaire et terrestre. Si nous comparons les spectres de Mars et de la Lune lorsque ces astres sont aux mêmes hauteurs au-dessus de notre horizon, — c’est-à-dire lorsque leur lumière traverse la même épaisseur d’atmosphère terrestre, — et si nous trouvons qu’ils diffèrent en quelque point, si insignifiant qu’il soit, la différence serait produite par l’atmosphère de Mars. S’il n’y a pas de différence, alors le spectroscope ne décèle pas la présence d’une semblable atmosphère. Ainsi, le problème se réduit à une comparaison des spectres martien et lunaire.