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MATTHIEU WILLIAMS. GLACIERS POLAIRES.

sa mesure de 1824 et celle de 1827 n’est que de 34 kilomètres. L’extrême différence entre Herschel et Arago s’élève à environ 80 kilomètres. D’autre part, la base hivernale du cône de neige polaire a un diamètre d’environ 3 200 kilomètres, et même sa base estivale restreinte est encore d’environ 800 kilomètres. Cette construction perpétuelle de glace doit nécessairement, tôt ou tard, amener quelque catastrophe, soit un écrasement, soit une débâcle, lorsque la chaleur de l’été a miné la base ; ainsi une réduction de l’élévation du cône de 32, 48 ou même de 80 kilomètres n’est pas une supposition extravagante eu égard aux dimensions de l’accumulation. S’il arrivait que tous les deux cônes cédassent pendant deux étés consécutifs, la réduction du diamètre polaire au moment de la deuxième catastrophe serait égale à la somme de la réduction des cônes nord et sud, moins l’épaisseur du dépôt d’une année. Une catastrophe de la grandeur la plus élevée de celles que nous venons d’exposer est nécessaire pour expliquer la grandeur des phénomènes observés par M. Phillips.

Je me suis étendu ainsi longuement sur cette planète, parce que l’avancement de nos connaissances sur ses détails physiques permettra de contrôler mon hypothèse.

En résumé, d’après cet auteur, la masse totale de l’atmosphère martienne ne surpasserait pas le 20e de celle de notre atmosphère ; la pression atmosphérique y serait le 0,179 de la nôtre et le « baromètre » se tiendrait à 136mm au lieu de 760mm ; l’eau y devrait bouillir à 59° ; la température moyenne de la surface de la planète serait au-dessous de 0° ; les mers seraient gelées jusqu’au fond, et leur superficie seule dégèlerait pendant les heures chaudes du jour ; une couche de gelée blanche couvrirait le sol pendant toutes les nuits, dès le soir, et fondrait le matin après le lever du soleil ; il n’y aurait pas de nuages épais, mais seulement des brumes de cristaux de glace, dans le genre de celles qui produisent nos halos ; aux pôles et dans les régions circompolaires, la gelée persisterait pendant l’hiver, s’épaissirait, s’accumulerait en glaces énormes et fondrait en débâcles au printemps, ce qui expliquerait les différences énormes observées dans les diamètres polaires. Cette théorie, publiée en 1870, est extrêmement curieuse et mérite d’être prise en considération par tous les aréographes.

Cette question si importante de l’atmosphère de Mars, sujet sur lequel nous reviendrons dans le cours de cet Ouvrage, a été l’objet d’une discussion à la séance de la Société Astronomique de France du 7 novembre 1894, à propos des affirmations de M. Campbell, publiées plus haut, sur l’analyse spectrale. M. Janssen, Directeur de l’Observatoire de Meudon, s’est exprimé dans les termes suivants[1] :

  1. Bulletin de la Société Astronomique de France, 1895, p. 10.