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LA PLANÈTE MARS.

clxxxi.Janssen. — Sur le Spectre de Mars.

Les observations de M. Campbell me paraissent faites avec soin, avec talent et avec d’excellents instruments. Elles doivent être prises en très sérieuse considération.

Cependant peuvent-elles être considérées comme tranchant définitivement la question ? Je ne le pense pas.

L’analyse spectrale des atmosphères planétaires présente, en effet, des difficultés considérables.

La lumière qui nous est envoyée par les planètes n’a, en général, traversé qu’une faible épaisseur de leurs atmosphères et les couches les moins denses. Surtout cette lumière n’a pas traversé leurs atmosphères suivant ces directions obliques qui, par exemple, font franchir aux rayons solaires, au lever et au coucher, ces énormes épaisseurs de notre atmosphère et, par là, ont accusé son action spectrale.

Si nous n’avions eu, pour découvrir les raies telluriques du spectre solaire, que les observations méridiennes, il est très probable que nous serions encore dans l’ignorance de leur existence.

Cela est si vrai, que l’illustre Brewster, qui, comme on sait, avait découvert, dès 1833, les bandes sombres dont se charge le spectre solaire au lever et au coucher de cet astre, n’avait jamais pu conclure à une action normale des gaz de notre atmosphère, parce que ces bandes s’évanouissent dès que le Soleil s’élève sensiblement.

Ayant été amené à découvrir ces bandes en 1862, sans connaître, du reste, les observations de Brewster, j’ai dû employer des spectroscopes très puissants et prendre des précautions toutes spéciales pour constater la présence, dans le spectre méridien, des raies fines dans lesquelles les bandes sombres de Brewster se résolvaient dans mes instruments.

J’ajoute que, pendant l’hiver, dans nos climats, tous les groupes telluriques de la vapeur d’eau s’évanouissent dans le spectre solaire dès que l’astre est un peu élevé.

Il résulte de ceci que si, de la planète Mars, on analysait la lumière solaire réfléchie normalement à la surface de la Terre, il serait très difficile d’y constater les groupes telluriques de la vapeur d’eau, et s’il s’agissait de la lumière réfléchie dans les hautes régions de notre atmosphère à la surface de nos cirrus glacés, cela serait à peu près impossible.

Si l’on considère maintenant que l’atmosphère de Mars doit être beaucoup moins importante que la nôtre, qu’elle doit être plus transparente et moins riche en vapeurs, on concevra toute la difficulté de son analyse au point de vue de la vapeur d’eau.

Je suis porté néanmoins à maintenir les conclusions de l’étude du spectre de