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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/257

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LA PLANÈTE MARS.

L’inondation périodique causée à chaque été martien par la fonte des neiges est distribuée au loin par ce réseau de canaux, qui constitue le principal mécanisme, si ce n’est le seul, par lequel l’eau et avec elle la vie organique peut être répandue à la surface de la planète. À cette époque, les canaux paraissent entourés d’une zone foncée, due sans doute à quelque genre de végétation. Les canaux de la région environnante deviennent en même temps plus sombres et plus larges et couvrent de vastes étendues. Les choses restent en cet état jusqu’au moment du minimum de la neige polaire. La fusion a cessé. La largeur des canaux diminue, les régions foncées s’éclaircissent et les continents redeviennent jaunes. Ce grand phénomène se produit dans toute la région comprise entre le pôle et le 60e degré de latitude et se renouvelle à chaque saison. Sur tout l’ensemble de la planète, le système des canaux n’est pas constant. Quand ils se troublent, que leurs contours deviennent douteux et mal définis, il semble que les eaux soient très basses où même aient entièrement disparu. Il ne reste rien à la place du canal, ou plutôt nous voyons une raie jaunâtre différant très peu du terrain environnant. Dans les mois qui précèdent et dans ceux qui suivent la grande inondation boréale, vers l’époque des équinoxes, les canaux sé dédoublent. Par suite d’une modification rapide, qui s’effectue en quelques jours, peut-être même en quelques heures, tel ou tel canal se transforme sur toute sa longueur en deux lignes parallèles qui courent avec la précision géométrique de deux rails de chemin de fer, et suivent exactement la direction du canal primitif. Ces nouveaux canaux ont, comme les primitifs, des largeurs de 50 à 100 kilomètres et davantage, et sont séparés par un intervalle de 50 à 500 et 600 kilomètres. Y a-t-il là autre chose que de l’eau, par exemple une végétation rapide produite par l’humidité ? C’est possible. La couleur de ces lignes varie du noir au rouge et se distingue facilement du ton jaune des continents. L’espace intermédiaire est généralement jaune, parfois blanchâtre. La gémination se produit aussi dans les lacs, qui se fendent en deux.

Peut-être n’y a-t-il pas, à la lettre, des inondations, mais seulement des augmentations d’eaux fertilisant des oasis semées en chapelets et rendant plus foncées les plaines végétales.

Quelle que soit l’explication de ces faits inconnus à la Terre, nous pouvons conclure qu’à la surface de la planète Mars l’eau circule, non par un système vertical d’évaporation et de précipitation, comme ici, mais par un système horizontal de fusion des neiges polaires et par ces canaux entrecroisés, qui la distribuent sur l’ensemble des continents. Puis elle s’évapore pour aller invisiblement et sans nuages se condenser presque uniquement sur les zones polaires plus froides, qui la recueillent à l’état de neige.

C’est là tout un autre monde, bien différent de celui que nous habitons, mais non moins vivant ; plus mouvementé, plus agité à certains égards, mais d’un climat sans doute fort agréable par sa pureté constante et par l’absence de ces intempéries, pluies et tempêtes qui caractérisent si tristement la grande majorité