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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/26

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deux éclipses de soleil

soleil impressionne même les enfants. On voit l’écran noir de la lune s’avancer lentement, graduellement, inexorablement, devant le disque lumineux, la belle lumière du jour diminuer peu à peu, devenir blafarde et sinistre, menacer de s’éteindre à jamais. Autour de nous, quelques bonnes femmes parlaient de la fin du monde, faisaient des signes de croix, disaient leur chapelet. Au moment central de l’éclipse, la lune se place entièrement devant le soleil dont il ne reste qu’un anneau lumineux rayonnant tout autour. Tableau prodigieux, au sein du ciel pur, et vraiment inoubliable. Mais ce qui frappe plus encore peut-être, c’est de constater que l’événement céleste a été calculé et prévu par les savants. Même à l’âge de cinq ans, ce fait ne peut manquer de produire une impression profonde sur l’esprit, et, pour ma part, je ne l’ai jamais oublié.

La seconde éclipse dont j’ai été témoin arriva le 28 juillet 1851. Totale en Allemagne, elle devait être environ de 60 centièmes à Montigny. Elle se produisit dans l’après-midi d’une chaude journée d’été, et nous l’observâmes, non plus du devant de la maison, mais non loin du pignon du nord, et également dans un seau d’eau et, de plus, à l’aide de verres noircis à la fumée d’une chandelle. Cette fois-ci, nous étions trois enfants : l’aîné, de neuf ans, sa sœur de sept ans, et son petit frère, de cinq ans. L’émotion que j’avais ressentie lors du premier phénomène se renouvela, plus intense encore, et je n’eus cessé ni arrêt d’en avoir l’explication les jours suivants par l’instituteur.

Il trouva, je ne sais où, un livre de cosmographie, qui ne me parut pas très clair et que, désespérant de