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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/31

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mémoires d’un astronome

ce fut là le but du voyage. Quel voyage ! Quelle nouveauté ! Quelle joie ! Quelles découvertes ! Il me semble, en y repensant, que six ans, c’est la plus belle année de la vie.

Ni grand, ni petit, j’avais la taille moyenne de mon âge. Mon costume était une blouse bleu-ciel avec un ceinturon de cuir serré à la taille, manchettes et collet blanc rabattu, pantalon blanc. Casquette rarement sur la tête. Chevelure blonde et opulente, bouclée, que ma mère avait pris l’habitude de couper à la nouvelle lune. Cette couleur tourna au châtain vers l’âge de vingt ans. Détail qui peut intéresser quelques parents, je n’ai jamais rien mis sur ma tête pour dormir, je la garde généralement découverte, même en plein air, et j’ai conservé jusqu’à présent une chevelure abondante et toujours bouclée.

Nous partîmes, un beau jour d’été, de grand matin, dans le petit cabriolet de mon cousin, lui, sa femme, et moi entre eux deux, dans la direction de Chaumont, par une route ensoleillée, traversant trois villages de dénominations bizarres et de sonorité exotique : Is — Mandres — Biêles. La servante, Sœurette, qui est restée soixante-treize ans dans la famille Collin (morte récemment, en 1906, à l’âge de 93 ans), avait mis dans la voiture d’excellentes provisions, notamment des gaufres, des brioches et des confitures, sans oublier du bon vin de Coiffy pour nous servir en cas de besoin. Sait-on à quoi on peut être exposé en voyage ?

C’était le temps des moissons. Que la campagne