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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/36

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voyage en bourgogne

— Vous en avez pour une petite demi-heure, répondit le brave rural.

Je partis d’un tel éclat de rire qu’il m’apostropha en termes véhéments, si rudes, si bizarres, que je me mis à rire de plus belle et sans pouvoir m’arrêter. Il prétendit que nous nous moquions de lui tous les trois et que nous savions aussi bien que lui où nous étions. Ne connaissant pas l’origine de mon éclat de rire et l’appliquant exclusivement à sa personne, il était dans son droit de se fâcher ainsi. Que de querelles sont venues de malentendus analogues ! On ne se comprend pas, on part d’impressions contraires qui s’enveniment peu à peu, et l’on finit par se battre, quand il n’y a qu’à rire.

Enfin, nous arrivâmes, et nous trouvâmes devant la porte du presbytère l’abbé Collin et sa gouvernante, déjà inquiets sur notre sort. Je tirai du coffre mon paquet de livres et mes cahiers car j’avais des devoirs de vacances à faire et l’on me conduisit à ma petite chambre.

Deux jours nous avaient suffi pour faire 130 kilomètres. Quel bon petit cheval nous avions là ! Les chemins de fer n’étaient pas encore en usage ; et la vapeur ne s’était pas substituée au Pégase sans ailes. On s’imaginait aller très vite. Ne sommes-nous pas, d’ailleurs, toujours disposés à penser que nous avons atteint la limite du progrès ? On ne devine pas les réserves qui sommeillent dans l’inconnu de l’avenir. Avant l’invention des chemins de fer, on admirait la vitesse des transports et des moyens de communication. Voici, comme curiosité, à ce propos, ce qu’on peut lire sous la signature d’Arago, dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes de 1825. C’est une compa-