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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/40

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la pêche aux écrevisses

pour l’ameublement intérieur. On allait parfois jusqu’à Tonnerre.

L’une des distractions les plus amusantes était la pêche aux écrevisses, dans l’Armançon. Ces jours-là, je partais à neuf heures, avec un camarade déjà vieux, car il avait bien le double de mon âge, et à onze heures nous revenions toujours avec une centaine de ces délicieux crustacés, qui n’attendaient que nous pour avoir l’honneur de figurer en haute couleur écarlate sur la table du curé. Nous nous servions pour cela d’une douzaine de balances, que l’on garnissait de quelques morceaux de mauvaise viande prise en passant à la boucherie, et que l’on disposait le long du bord de la rivière parmi les herbes, de cinq en cinq mètres environ. À peine la douzième balance était-elle posée qu’en revenant à la première on y trouvait déjà deux ou trois écrevisses occupées à tâter l’appât. On les cueillait à la main, on les mettait dans un panier, on continuait à la file, et la première tournée donnait une vingtaine de sujets seulement, car nous ne conservions que les grosses, celles de six, sept, ou huit ans, rejetant les petites dans la rivière.

Après cinq ou six tournées, c’est-à-dire en une heure et demie à peu près, nous avions notre centaine, et les deux paniers étaient pleins. Au déjeuner, tout cela était consommé avec un vrai plaisir, arrosé de bon vin blanc de Bourgogne, et agrémenté de mille remarques sur la gourmandise de ces crustacés, sur les trous du ruisseau dans lesquels on avait glissé, sur les pinces et les coups de queue, sans oublier les sauterelles et les papillons que l’on avait essayé de prendre.