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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/46

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les corrections corporelles

classes, comme dans les jeux, les injustices le révoltent. Pour moi, à ce propos, je puis remarquer que les corrections corporelles m’ont toujours paru odieuses et que je souffrais énormément d’assister parfois aux punitions, aux coups de baguette que l’on donnait à tour de bras avec de grands joncs flexibles sur la main tendue, tout en admettant que les mauvais élèves méritaient des punitions. J’ai vu cela, en frémissant d’horreur, à l’école communale de Montigny et à la maîtrise de Langres. Je n’en ai jamais reçu qu’une fois, et même en diminutif, non à l’école, mais à la maison. (Je ne parle pas des fessées données par ma mère, quoique j’en aie reçu plus d’une, car elle avait la main leste, et j’étais d’une vivacité extrême entre mes heures d’études.) Mais, un jour, mon père m’obligea à tendre la main pour y recevoir des coups de règle. Il croyait que j’avais cassé une casserole de terre et je lui soutenais que non. J’avais sept ou huit ans. Cette casserole, d’un beau vert émaillé, était bien ébréchée, mais je n’y étais pour rien. Je reçus la correction avec une telle impression de fureur interne, que je ne l’ai jamais oubliée, et que, plus de quarante ans après, ce misérable tableau enfantin s’est représenté devant mes yeux au lit de mort de mon père. Les enfants sont, avant tout, parfaitement justes, pour eux-mêmes et pour les autres. Les animaux aussi, d’ailleurs.

Peut-être aussi, en certains cas, ont-ils trop de mémoire. Nous devrions ne nous souvenir que des heures fleuries et ensoleillées, et oublier les nuages qui, d’ailleurs, ont passé… comme des nuages.

J’avais l’esprit d’observation assez développé. Il me semble, du reste, que tous les enfants en sont