Aller au contenu

Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
mémoires d’un astronome

qu’ils prennent les choses moins au sérieux, parce qu’ils ont beaucoup vu. C’est qu’ils s’amusent eux-mêmes des naïvetés d’un âge si lointain du leur. Pour moi, je ne quittais pour ainsi dire pas mon grand-père pendant les vacances. Il m’emmenait presque tous les matins dans la montagne. Je le regardais arranger la vigne, piocher dans les cailloux, rogner les arbres avec le sécateur, couper les raisins au jour de la vendange, en compagnie des bandes joyeuses et chantantes des vendangeurs, faire le vin dans les grandes cuves avec son fils, mon oncle Charles, goûter au vin nouveau, si sucré, distiller les marcs à l’alambic pour son eau-de-vie dont il était assez amoureux, mettre des cercles aux tonneaux avec un bruit sonore. Oh ! l’admirable son des coups de maillet sur les cuves vides !…

Il m’avait appris à fabriquer des raquettes, à les tendre dans les bois et à récolter les petits oiseaux qui s’y faisaient prendre. Vous connaissez les raquettes ? Rien n’est plus simple. On coupe dans le bois une longue branche flexible de noisetier, de coudrier, on perce le gros bout d’un petit trou, dans lequel on peut faire entrer une cheville sans l’enfoncer, on attache une ficelle à l’autre bout, on couche cette branche en demi-cercle, on fait passer la ficelle, qui est double, par le petit trou, et on pose la cheville en la maintenant par la ficelle. Ces raquettes, ainsi tendues en arcs, sont placées le long d’un sentier de distance en distance, le côté de la cheville en dehors, la raquette dissimulée entre les arbres. Pour amorcer les oiseaux, on suspend généralement une petite touffe de baies rouges au bout du cerceau, au-dessus de la cheville. L’oiseau passe, pose ses petites pattes