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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/64

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les raquettes et les petits oiseaux

sur la cheville qui, n’étant pas solide, tombe sous le poids de l’oiseau, dont les pattes restent prises dans la ficelle, ramenée subitement contre le bois par la tension de l’arc. Cette ficelle est terminée par un petit bout de bois qui l’empêche de traverser le trou.

Cette tendue de raquettes est faite le matin vers sept heures. Un peu avant le déjeuner, vers onze heures, on va visiter le sentier, et l’on trouve là de quoi se régaler grives, mésanges, rouges-gorges, linottes, fauvettes, pinsons, chardonnerets, becfigues, pauvres petits êtres pendus par les pattes et qui cherchent inutilement à s’envoler. On leur serre le bec pour les étouffer immédiatement, et on les met dans sa petite gibecière. Les enfants sont-ils durs, indifférents à la douleur des bêtes ? Je le croirais volontiers, car ils taquinent les chiens et les chats en les faisant souvent souffrir, et sans aucun remords ; ils voient les écrevisses jetées vivantes dans l’eau bouillante, et ne le regrettent point ; la cuisinière de l’abbé Collin disait souvent : « Les écrevisses aiment à être cuites vivantes, l’anguille demande à être écorchée vive, le lapin préfère attendre », et nul de nous ne s’étonnait de ces locutions.

Il est bien certain que ni moi, ni aucun de mes camarades, n’avons jamais plaint ces petits oiseaux destinés à être rôtis au beurre et à chatouiller délicatement tout à l’heure les nerfs de l’odorat et du goût ; au contraire, c’était un vrai plaisir de sentir ces corps chauds frémissant en mourant dans nos petites mains. On ne pense pas qu’ils souffrent. Si je le faisais aujourd’hui, cette occupation me serait certainement très désagréable, et je ne sais même pas