Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/98

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cette huître de Rouen. Nion m’a dit que tu amènerais Madame ; je serais curieux de la voir, de lui offrir mes hommages ; si tu veux même je la présenterai en bonne société. Réponds-moi à toutes ces questions-là, mon vieux. Il y a longtemps que nous ne nous sommes vus, un an bientôt ; c’est long pour nous, qui nous voyions à chaque heure de la journée, et qui nous nous [sic] foirions au nez nos idées, nos caprices, nos boutades de chaque instant. Il sera bon pour moi de converser quelque temps avec ce vieux gars que je me figure souvent se voiturant dans les rues de Paris, le cigare au bec. Dis-moi ce que fait Alfred, Pagnerre, etc…, et ce cher grand homme de Degouve-Denuncques que j’oubliais (quelle horreur si la postérité allait faire comme moi !). Où en est-il ? Voilà sa publication sur le mois de mai finie ; que va-t-il faire ? Une correspondance de province, un courrier pour le Colibri de Rouen ; c’est assez serin, mais au reste c’est la saison, ça enrichira la collection complète.

Narcisse est marié. Pauvre garçon, le voilà vérolé au cœur pour le reste de sa vie ; il y avait pourtant du beau et du bon dans cette nature-là. Né sous un lambris au lieu d’être venu sous le chaume, dans les champs, ça aurait fait peut-être un grand artiste, meilleur, à coup sûr, que ce jeune prêtre qui veut être un Molière, un Goethe, un cabotin et un grand homme, et qui est pion ! Qu’il y a loin pourtant du quinquet fumeux de l’étude, du pupitre de bois et des rideaux blancs du dortoir, aux splendeurs du théâtre à rampe illuminée, à ses femmes parées qui battent des mains, à ses triomphes qui enivrent, à ses joies qui sont de