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CORRESPONDANCE

La religion cophte est la plus ancienne secte chrétienne qu’il y ait, et l’on n’en connaît presque rien, pour ne pas dire rien, en Europe (du moins que je sache). J’irai de même chez les Arméniens, chez les Grecs, les Sunnites, et surtout chez les docteurs musulmans.

Nous attendons toujours le retour de la caravane de la Mecque ; c’est une occasion trop bonne pour la rater et nous ne partirons pas pour la Haute-Égypte avant que les pèlerins ne soient arrivés. On voit là des choses assez cocasses. Les chevaux des prêtres marchent sur le corps des fidèles prosternés. Il y a toutes sortes de derviches, de chanteurs, etc.

Lorsque je pense cependant à mon avenir (cela m’arrive rarement, car je ne pense à rien du tout, contrairement aux grandes pensées que l’on doit avoir devant les ruines), bref, lorsque je me demande : Que ferai-je au retour ? Qu’écrirai-je ? Que vaudrai-je alors ? Où faudra-t-il vivre ? Quelle ligne suivre, etc., etc., je suis plein de doutes et d’irrésolutions. D’âge en âge j’ai toujours ainsi reculé à me poser vis-à-vis de moi-même, et je crèverai à soixante ans avant d’avoir une opinion sur mon compte, ni peut-être fait une œuvre qui m’ait donné ma mesure. Saint Antoine est-il bon ou mauvais ? Voilà par exemple ce que je me demande souvent. Lequel de moi ou des autres[1] s’est

  1. Quand, au début de l’année 1849, le voyage en Orient en compagnie de Du Camp fut décidé, Flaubert y mit cette condition qu’il ne partirait pas sans avoir achevé la Tentation. Au mois de septembre suivant il convia Bouilhet et Du Camp à la lecture de son œuvre. Ses deux amis lui en déconseillèrent la publication. Voir La Tentation de saint Antoine, p. 666.