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CORRESPONDANCE

inférieure comme nature essentielle. J’aime ces vers :

L’atelier des sculpteurs est plein de cette histoire…
Sa gorge humide encor de l’écume des eaux…
Phébé qui hait l’hymen et qu’on croit vierge encore…
Ses pieds nus en silence effleuraient la bruyère…

Le jeune Endymion qu’a surpris le soleil


me paraît très profondément grec. En résumé, voilà deux bonnes pièces, la première surtout. Ta pièce au « Vesper » est peut-être une des choses les plus profondément poétiques que tu aies faites. C’est là la poésie comme je l’aime, tranquille et brute comme la nature, sans une seule idée forte et où chaque vers vous ouvre des horizons à faire rêver tout un jour, comme :

Les grands bœufs sont couchés sur les larges pelouses.

Oui, vieux, je ne sais trop t’exprimer ma satisfaction.

Au lieu des tartines que tu m’as envoyées à propos des splendides vignettes de tes pages, j’aurais autant aimé que tu me parlasses de toi. Que deviens-tu ? Que fais-tu ? matériellement, s’entend. Quid de Venere ? Il y a longtemps que tu ne m’as conté tes fredaines de jeune homme. Quant à moi, mes cheveux s’en vont. Tu me reverras avec la calotte ; j’aurai la calvitie de l’homme de bureau, celle du notaire usé, tout ce qu’il y a de plus bête en fait de sénilité précoce. J’en suis attristé (sic). Maxime se moque de moi ; il peut avoir raison. C’est un sentiment féminin,