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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Maximes détachées : Elles ne sont pas franches avec elles-mêmes ; elles ne s’avouent pas leurs sens ; elles prennent leur cul pour leur cœur et croient que la lune est faite pour éclairer leur boudoir.

Le cynisme, qui est l’ironie du vice, leur manque ; ou, quand elles l’ont, est une affectation.

La courtisane est un mythe. Jamais une femme n’a inventé une débauche.

Leur cœur est un piano où l’homme, artiste égoïste, se complaît à jouer des airs qui le font briller, et toutes les touches parlent. Vis-à-vis de l’amour en effet, la femme n’a pas d’arrière-boutique : elle ne garde rien à part pour elle comme nous autres qui, dans toutes nos générosités de sentiment, réservons néanmoins toujours in petto un petit magot pour notre usage exclusif.

Assez de réflexions morales. Causons de nous deux un peu. Et d’abord ta santé. Qu’est-ce que tu as donc ?

Plût à Dieu que le dire de Pradier sur ma calvitie fût vrai ! (ils repousseraient). Mais je crois qu’elle n’a pas cet avantage d’avoir eu une cause aussi gaillarde ; non que je veuille me faire passer pour un invaincu comme dirait Corneille. J’ai eu des lacs de Trasimène. Mais il n’y a que moi qui peux le dire, tant la République a été complètement rétablie. Depuis trois semaines surtout, mes pauvres cheveux tombent comme des convictions politiques. Je ne sais si l’eau Taburel les faisait (sic) tenir. Tu peux m’en envoyer encore deux bouteilles pour essayer.

Tu mettras dans le paquet la Bretagne, si tu veux ; ou garde-la, ça m’est égal.