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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Appelles-y ton attention. Ce que [on] m’a rapporté de Musset [et] de Sand m’a ému. Le capitaine se soutient toujours ; c’est une grande figure. Dans la lettre que je t’avais écrite en te renvoyant son volume, je t’y avais glissé deux phrases louangeuses un peu exagérées, pensant que tu pourrais les lui lire. À propos de lettres, j’en viens de voir une de Du Camp, qui est un chef-d’œuvre de démence et de vanité. Si Lambert, qui le voit souvent, était un homme communicatif, il en pourrait dire de belles à Madame Didier. Comme le temps change les hommes ! et qu’il faut peu de choses pour faire tourner les têtes à de certaines gens !

Les clous sont à la mode ; ma belle-sœur en est capitonnée et elle ne fait rien pour se les faire passer, exemple que je t’engage à suivre, au lieu de donner ton argent en pure perte au pharmacien et au médecin. Si tu avais été élevée comme moi dans les coulisses d’Esculape, tu serais convaincue de l’inutilité des remèdes dans les trois quarts et demi des maladies (et des choses de ce monde).

Il y avait dans les deux derniers numéros de la Revue deux articles curieux sur Edgar Poë[1]. Les as-tu lus ?

Oui, je connais le Raphaël de Lamartine ; c’est le dernier mot de la stupidité prétentieuse.

J’ai passé une mauvaise semaine ; je me sens stérile, par moments, comme une vieille bûche. J’ai à faire une narration ; or le récit est une chose qui m’est très fastidieuse. Il faut que je mette mon héroïne dans un bal. Il y a si longtemps que je n’en ai vu un que ça me demande de grands efforts

  1. Par Baudelaire.