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CORRESPONDANCE

346. À LA MÊME.
[Croisset] Nuit de jeudi, 1 heure [8 octobre 1852].

La lettre[1] (incluse dans la tienne de ce matin) m’a fait un singulier effet. Malgré moi, tout cet après-midi, je ne pouvais m’empêcher de reporter mes yeux dessus et d’en considérer l’écriture. Je la connaissais pourtant, mais d’où vient qu’elle ne m’avait jamais causé cette impression ? C’est sans doute le sujet et la personne à qui elle était adressée qui en sont cause. Cela me touchait de plus près. Il a dû en effet être flatté et, quelque banales qu’il ait l’habitude de donner ses louanges, celles-ci doivent être sincères. As-tu remarqué comme cette lettre écrite au courant de la plume est bien taillée de style, comme c’est carré, coupé ? Je n’ai pu m’empêcher, dans mon contentement naïf, de la montrer à ma mère qui l’a aimée. Veux-tu que je te la renvoie ? Mais je crois, dans les circonstances actuelles, qu’il vaut mieux que je la garde. Mon vieux culte en a été rafraîchi. On aime à se voir bien traité par ceux qu’on admire. Comme ils seront oubliés, tous les grands hommes du jour, quand celui-la encore sera jeune et éclatant !

Madame Didier me paraît une femme d’un esprit borné, elle et les républicains ses amis ; braves petites gens qui nous ont versés dans la boue et qui se plaignent de la route, les voilà maintenant qui gueulent comme des bourgeois

  1. Lettre de Victor Hugo.