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DE GUSTAVE FLAUBERT.

contre Proudhon, sans en comprendre un seul mot. Cette caste du National a toujours été aussi étroite que celle du faubourg Saint-Germain. Ce sont des secs en littérature ; en politique, ils se cramponnent aussi à un passé perdu. Je ne partage pas davantage son admiration pour le sieur Lamartine qu’elle compare à Tacite, le malheureux ! Lui Tacite ! J’ai lu justement ce portrait de Napoléon dont elle parle. L[amartine] l’y accuse d’aimer la table, d’être gras, etc. Quand est-ce donc que l’on fera de l’histoire comme on doit faire du roman, sans amour ni haine d’aucun des personnages ? Quand est-ce qu’on écrira les faits au point de vue d’une blague supérieure, c’est-à-dire comme le bon Dieu les voit, d’en haut ?

C’est une femme curieuse du reste ; elle représente bien ce certain milieu du monde, stérile et convenable.

La dame de Saint-Maur me paraît dans une bonne passe ; elle lit aussi Tacite, elle. Quelle rage de sérieux ! Tu me dis qu’il t’est difficile de l’étudier. Comme le factice pourtant se constitue d’après les règles, qu’il se moule sur un type, il est plus simple que le naturel, lequel varie suivant les individualités. Je te déclare, quant à moi, que je ne crois pas un mot de toutes ses spiritualités. Sa fureur contre les mâles, pour le moment, vient de quelque morsure récente. Qu’elle soit dégoûtée du petit Énault, cela se peut ; mais c’est tout, au fond. Et à ce propos permets-moi de t’envoyer l’axiome suivant : les femmes se défient trop des hommes en général et pas assez en particulier (pénètre-toi de cette vérité). Elles nous jugent tous comme des monstres, mais au milieu des monstres il y a