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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/102

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CORRESPONDANCE

760. À MADEMOISELLE AMÉLIE BOSQUET.
Vichy, mercredi soir [fin juin-début juillet 1863].

Ce n’est qu’hier seulement et par hasard que j’ai eu votre lettre adressée poste restante, le directeur de ladite poste n’ayant pas jugé convenable, je ne sais pourquoi, de l’envoyer à mon hôtel.

Je savais par Darcel que votre roman allait bientôt voir le jour. Je n’ai pas besoin de vous dire, n’est-ce pas, que je lui souhaite tout le succès imaginable.

Le même Darcel m’a conté que vous aviez retenu un logement à Paris. Est-ce vrai ? Vous voilà donc embrigadée dans la gent de lettre parisienne ! Tant mieux, nous pourrons nous voir un peu plus souvent.

Je n’ai rien écrit, bien entendu, depuis mon départ ; les dérangements du voyage ne sont pas la seule cause de mon oisiveté, car je poursuis maintenant une troisième idée qui sera, peut-être, plus vite réalisée que les deux autres. Comme je ne m’amuse pas démesurément à Vichy, et que j’y suis mal pour écrire, je passe mon temps à lire, et je lis beaucoup. J’ai avalé deux volumes de Goethe (que je ne connaissais pas) ; les mémoires de Hertzen sur la Russie, quelques romans de Balzac, Madelon du gars About, et les deux derniers volumes du Sieur Feydeau, etc. Le soir, je me promène pendant une demi-heure sous les arbres du Parc, et je vais voir se coucher le soleil au bord de l’Allier. Voilà mon existence.

Vichy est peuplé de Rouennais et d’une quantité de bourgeois ignobles, ce qui fait que je me